Interview de Philippe Girard (Total F1)
Une priorité, l’économie d’énergie
Philippe Girard, le délégué scientifique du groupe Total et responsable technique Formule 1 explique où en est le pétrolier français cette saison.
Quelles sont les priorités de Total sur le carburant F1 cette saison ?
Nous sommes dans la continuité du développement proposé à nos partenaires en fin de saison 2011. Un objectif : consommer moins pour une puissance équivalente, puisque les monoplaces prennent le départ avec le plein. A titre d’exemple, une baisse de la consommation de 2% permet d’économiser 5 litres d’essence, soit environ 3,5 kilos en moins sur la grille de départ, ce qui représente un gain supérieur à un dixième de seconde au tour. Il s’agit donc de contenir la densité du carburant.
Sur quels axes vos chercheurs mènent-ils leurs travaux ?
Avant que le FIA ne gèle le régime des moteurs, nous avions formulé des carburants réactifs pour brûler à très haut régime. Cette connaissance sur l’allègement des carburants a permis d’améliorer la performance en augmentant le contenu énergétique. A partir de 2010, nous nous sommes consacrés à l’économie d’énergie, à savoir le meilleur compromis entre les propriétés de soufflage du moteur pour que le diffuseur fonctionne parfaitement, et le gain en consommation. Ce soufflage entrainait d’ailleurs une surconsommation, une motivation supplémentaire pour formuler un carburant proposant une économie d’énergie.
Pourquoi sommes-nous actuellement sur des consommations quasi équivalentes alors que les diffuseurs soufflés sont désormais interdits ?
Ce qui était perdu pour souffler les gaz d’échappement à des fins aérodynamiques, nous l’utilisons aujourd’hui pour sortir de la puissance du moteur. Il y a une compensation partielle, de l’ordre de 1%, soit 7 à 10 chevaux. Plus globalement, nos recherches sur l’économie d’énergie préfigurent des développements à venir correspondant à la réglementation 2014.
Quelle en sera la teneur ?
Déjà, les V8 actuels seront abandonnés au profit de moteurs de 1,6 litre V6 turbocompressés, et le régime maxi autorisé passera de 18000 tr/min à 15000 tr/min. Ensuite, il y aura une forte restriction sur les carburants, en volume comme en matière de débit. Nos recherches sur la puissance à consommation inférieure nous seront très utiles.
La composante bio est-elle également appelée à évoluer ?
Depuis 2008, le règlement nous oblige à introduire 5,75% de composés d’origines naturelles en masse de carburant. Actuellement, cet ajout se fait par adition d’alcool, donc d’éthanol ou de ses dérivés. Avec un avantage, un meilleur refroidissement du moteur à l’admission. Mais aussi un inconvénient : l’oxygène contenu dans ce carburant occupe de la place au détriment du carbone et de l’hydrogène. Il y a donc un déficit énergétique par rapport à un carburant 100% hydrocarbures. Demain, il nous faudra trouver de nouveaux compromis, notamment sur de vrais hydrocarbures bio.