Interview - Rob White, Directeur Technique de Renault F1
Un équilibre subtil à trouver dans les développements
Quels défis avez-vous dû relever au moment d’aborder une deuxième saison avec les groupes propulseurs nouvelle génération ?
Dans le développement d’un nouveau moteur, l’an II constitue toujours un challenge important. Le projet de groupe propulseur 2015 a été lancé six mois avant que les blocs 2014 n’effectuent leurs débuts en piste. Autrement dit, nous avions alors peu de données significatives sur cette nouvelle technologie. Nous avons dû ensuite gérer les difficultés rencontrées en cours de saison dernière. L’important reste donc de savoir anticiper tout en étant réactifs.
Répartir les ressources entre les deux projets nécessite de trouver le juste équilibre pour assurer le succès à court comme à long terme. Nous avons pris de nombreuses décisions en amont, mais préféré repousser certains choix de conception au plus tard afin de bénéficier au maximum de l’expérience acquise sur les groupes propulseurs 2014. Au final, le nouveau Renault Energy F1 possède un fort potentiel et diffère beaucoup de son prédécesseur.
Quels principaux changements avez-vous apportés au Renault Energy F1-2015 en vue de la prochaine campagne ?
Nous avons opéré des modifications substantielles pour devenir plus compétitifs et plus fiables. Après avoir identifié les éléments principaux, nous leur avons donné la priorité pour améliorer tous les systèmes et sous-systèmes du propulseur. Les évolutions principales concernent le moteur à combustion interne, le turbocompresseur, et la batterie. Comme l’autorise le règlement technique 2015, le V6 disposera d’une nouvelle chambre de combustion. Nous avons également revu et corrigé la conception du système d’échappement et des trompettes d’admission variables. Enfin, le compresseur sera plus efficace et les systèmes de récupération d’énergie pourront répondre à des exigences plus élevées.
Le groupe propulseur 2014 était déjà bien positionné par rapport à son centre de gravité, mais nous avons condensé l’agencement global des pièces pour que le nouveau bloc s’intègre plus facilement dans le châssis. En outre, de nombreux systèmes et plusieurs fonctions ont été rationalisés et simplifiés. Au final, très peu de composants du modèle 2014 ont été conservés sur son successeur.
Le groupe propulseur se divise cette année en « jetons ». Comment fonctionne le système ?
En 2015, le nombre de changements effectuables est encadré par un système de « jetons » à dépenser. Le groupe propulseur se divise en plusieurs ensembles et autres sous-ensembles qui lui sont liés. Au total, il y a 66 jetons disponibles sur le V6 turbo hybride. Cinq d’entre eux sont d’ores et déjà « gelés ». Autrement dit, impossible de modifier les composants associés à ces cinq jetons. Cette saison, chaque motoriste s’est vu attribuer un quota de 32 jetons, soit 48% du groupe propulseur. Ensuite, libre à lui d’utiliser cette allocation comme bon lui semble en sélectionnant les pièces qu’il souhaite améliorer en priorité. Plus la technologie se perfectionnera au fil des années, plus le nombre de jetons diminuera. Pour gérer au mieux cet équilibre subtil, la clé consiste à cibler les parties du propulseur susceptibles d’offrir le gain de performance le plus important. Et c’est exactement ce que nous avons fait.
Comment Renault a-t-il décidé de dépenser ses jetons ?
Nous avons d’ores et déjà consommé la majorité de nos jetons afin de nous présenter parfaitement préparés en Australie. Le reste sera utilisé avec pertinence tout au long de la saison. Il s’agit d’établir la meilleure stratégie pour utiliser les jetons restants au meilleur moment. Pour cela, il faut trouver le bon compromis entre deux orientations : introduire des évolutions dès les premiers Grands Prix – lorsque la technologie est encore récente et les progrès sur la performance potentiellement plus importants – ou bien attendre la seconde moitié de saison, quand les composants afficheront une meilleure fiabilité et que le développement pourra alors être plus ciblé. Dans tous les cas, le règlement technique autorise toujours les évolutions pour faire avancer la fiabilité. C’est pourquoi nous avons choisi d’améliorer en priorité la performance.
Quels sont vos objectifs pour 2015 ?
En premier lieu, nous devons rouler de manière fiable et compétitive, tout en nous rapprochant des leaders. Par rapport à 2014, nous avons accompli des progrès particulièrement importants. Même s’il est difficile d’estimer où nous nous situerons vis-à-vis de nos concurrents, nous savons déjà que notre programme de travail est respecté, et nos objectifs en matière de performance sur le point d’être remplis. Ceci est de très bon augure avant le coup d’envoi de la saison.