Interview - Lopez : Kimi, un fils prodigue qui nous quitte
"Une chape de tristesse"
Comment se passe la relation avec Kimi ?
Bien. Je discute avec Kimi bien plus souvent que les gens peuvent l’imaginer et nous parlons rarement de Formule 1. Evidemment, ces derniers jours, il y a eu beaucoup de bruit autour de l’accrochage verbal entre Alan Permane et Kimi lors d’un moment de la course très tendu. Mais ce n’était qu’un échange de quelques secondes dans une relation de deux ans. Sans aucun doute, ce n’étaient pas les secondes les plus prolifiques, mais il faut prendre cela avec du recul et admettre que chacun est passionné pendant la course et que, parfois, de telles choses puissent se produire.
Comment est-il dans le travail ?
A mon avis, il est souvent mal compris. En fait, il est très bavard, très amical. Une des choses dommageables, lorsque vous êtes sous le feu des projecteurs, est que les gens essaient toujours de faire croire qu’il se passe sans arrêt de violents affrontements. Par exemple, j’ai parlé avec lui de sa signature chez Ferrari et la discussion entre nous a été très franche. Elle était à la fois basée sur les faits et sur l’émotionnel et même si cela parait drôle à dire, il est très humain. L’image ‘Iceman’ qui vient de son comportement en piste, tête froide et grand pilote, prend le pas sur le reste. En réalité, c’est un gentil garçon, très volubile et au cours de ces deux années, j’ai gagné un ami avec lui, ce qui est une chose difficile à faire en Formule 1.
L’annonce du départ de Kimi chez Ferrari a-t-elle modifié la relation ?
Pendant un bon moment, la possibilité de le garder a été entre nos mains. Mais nous n’avons pas été capables de concrétiser dans le temps voulu, ou de faire l’offre que Ferrari a pu faire. Pour moi, cela a fait tomber une chape de tristesse, c’est comme un fils prodigue qui nous quitte. Lorsque nous l’avons engagé, cela a déclenché beaucoup de critiques et d’incrédulité. Certains disaient qu’il gardait cela en lui, qu’il restait un des meilleurs pilotes de Formule 1, mais en même temps, d’autres affirmaient qu’il ne pourrait pas le faire, qu’il avait pris du poids, et ci et ça… Mais nous avons cru en lui et il nous a donné de quoi nous réjouir. La seule raison pour laquelle nous sommes encore en lutte pour la deuxième place au championnat des constructeurs c’est le total de points inscrits par Kimi. Nous faisons tout notre possible pour que Kimi et l’équipe puissent continuer à se battre jusqu’au drapeau à damiers au Brésil.
Qu’a apporté Kimi à l’équipe au cours de ces deux années ?
Il a tant été pour le team, en partie de manière évidente aux yeux du public, mais aussi sous des aspects moins évidents. La première chose, c’est qu’il a débarrassé l’équipe de toute excuse. Nous savions disposer d’un des meilleurs pilotes de F1 de tous les temps, à partir de là, il n’y avait plus d’échappatoire si les voitures étaient suffisamment bonnes. Avec Kimi, nous avions une référence. Cela a donné aux gens la conviction que quoi que nous installions sur la voiture ou que nous mettions dans le développement, ce serait exploité au maximum en piste. Le fait de savoir que tous ces efforts investis peuvent se transformer en performance sur le circuit, c’est très motivant pour ceux qui travaillent avec lui dans l’équipe et à l’usine.
La deuxième chose, c’est qu’il correspondait vraiment bien à ce que nous sommes en termes de culture. Nous sommes au pinacle du sport automobile, nous sommes une équipe sérieuse et qui n’épargne pas ses efforts, mais personne dans l’équipe ne considère la Formule 1 comme un club d’élite où il n’est pas possible de s’amuser. Nous avons une attitude assez relax sur bien des plans, évidemment pas sur la performance ni sur le développement. Nous ne sommes pas aussi cliniques que les autres et il s’intègre parfaitement dans ce cadre. Pour nous essentiellement, il était la pièce manquante du puzzle et pour lui, je pense, c’était un accord parfait. Je continue à penser que c’est un des meilleurs partenariats de la Formule 1.
La troisième chose, c’est qu’il a aidé Romain à progresser en tant que pilote, comme il ne l’aurait peut-être pas fait autrement. Si Romain avait été au côté d’un pilote plus jeune ou moins bon, nous ne saurions probablement toujours pas à quel point il est fort. Si Romain produit aujourd’hui de tels résultats, c’est dû, pour beaucoup, au fait de piloter au côté d’un des meilleurs pilotes de F1 de l’histoire. Kimi a apporté une aide considérable au développement de Romain.
Kimi va-t-il vous manquer, à vous et à l’équipe ?
C’est un fait, il va nous manquer et je pense sincèrement que c’est un des partenariats qui est et qui restera comme très, très spécial. C’est difficile d’imaginer qu’il ne sera pas au volant de notre voiture noir et or l’an prochain. Je crois que c’est un peu pareil pour lui. Il n’y a rien de pire que les regrets, mais il y a cette tristesse, même si elle se cache parfois… Il va nous manquer et, de ce que je retiens de nos conversations, cette équipe va lui manquer aussi. Cela ne retire rien à notre relation ni au fait que j’ai indubitablement gagné un ami et que cette amitié perdurera.
A votre avis, quel avenir attend Kimi ?
Je pense qu’il fera du bon travail chez Ferrari. Nous avons vu de quoi il est capable, donc nous savons quelle force énorme il peut représenter.