Force India, le David qui se rêve en Goliath

Un bilan presque parfait depuis ses débuts en 2008

Par Emmanuel Touzot

11 septembre 2016 - 17:18
Force India, le David qui se rêve en (…)

Le rachat d’une équipe représente toujours une inconnue, tant pour l’acheteur que pour la structure rachetée. Bien évidemment, la personne ou le fonds prêts à racheter une écurie de Formule 1 ne le font pas sans une multitude d’audits, d’études de marchés et de cahiers des charges. Mais pour la FIA, pour les spectateurs, et avant tout pour les employés de la structure changeant d’identité, les risques de la voir évoluer négativement voire dépérir sont réels.

Ainsi, on a vu Jaguar manger son pain noir en rachetant Stewart, Alain Prost perdre pied après avoir repris Ligier et plus récemment, Caterham achever les espoirs d’avenir qui restaient à l’entité malaisienne appelée Lotus. D’autres, cependant, arrivent en F1 avec une idée plus précise, des moyens plus adaptés, et un esprit que ne renierait pas le fondateur de l’équipe en question.

Bien qu’Eddie Jordan ait du mal à l’avouer, la compétitivité et la hargne avec lesquelles Force India pérennise l’ancienne équipe du même nom lui font clairement honneur. Et pourtant, c’était bien mal parti !

Non seulement les dernières années de l’équipe Jordan n’avaient pas été glorieuses, entre difficultés financières, investisseurs douteux et pilotes peu enviables, mais le rachat s’annonçait mal. Le podium signé par Tiago Monteiro à Indianapolis en 2005 n’y changeait rien, puisqu’il avait terminé troisième... sur six concurrents au départ ! Et lorsque l’équipe fut rachetée par Alex Schnaider, propriétaire du géant de l’acier russe Midland, on espérait pouvoir retrouver son savoir-faire associé à un budget enfin digne.

Il n’en est rien, Schnaider a eu les yeux plus gros que le ventre et revend la structure dès le mois de septembre à un consortium hollandais dont font partie les dirigeants de Spyker, artisan de l’automobile, et l’équipe Midland est vendue sans même avoir marqué un point. Le bilan de Spyker ne sera guère plus positif avec un point inscrit au championnat, mais la satisfaction d’avoir mené une course grâce à Marcus Winkelhock lors de la course du Nurburgring.

De nouveau revendue pour la troisième fois en trois ans, l’équipe n’inspire plus confiance, pas plus que le fantaisiste indien qui l’acquiert, Vijay Mallya, lui donnant au passage le nom improbable de Force India.

La saison 2008 est annoncée comme une saison de transition, à la manière de ce qu’a fait Renault en 2016, puisque Force India n’aligne qu’une version peu évoluée de la Spyker de 2007. C’est en 2009, grâce au nouveau règlement, que les choses sérieuses débutent ! Et tout de suite, le niveau affiché n’est plus le même, entre autres grâce à une boîte de vitesses fournie par McLaren et un V8 Mercedes qui remplace le Ferrari.

Brièvement sixième durant le Grand Prix de Chine, Adrian Sutil sort violemment de la piste. Il pointe ensuite à la deuxième place pendant plusieurs boucles du Grand Prix de Monaco dans des conditions dantesques mais se fait percuter par Kimi Räikkönen. En Belgique, la VJM02 fait des merveilles et après avoir signé la pole position, Giancarlo Fisichella termine deuxième derrière le même ’Iceman’ dans le rôle de la Némésis pour l’équipe indienne. Peu importe, Sutil confirme en Italie une semaine plus tard en partant en première ligne, en signant le meilleur tour en course et en terminant quatrième.

En 2010, elle progresse encore dans la hiérarchie et termine septième du classement des constructeurs, avant de progresser d’un rang en 2011. Force India a fait son trou et évolue désormais parmi les équipes bien installées en F1 !

L’année 2012 est pleine de promesses mais la chance fait souvent défaut à Force India, avec comme exemple le plus criant l’accrochage entre Hamilton et Hulkenberg lors de la dernière course de la saison alors que ce dernier dominait depuis le départ au volant de sa VJM05.

En 2013, elle marque 42 points de plus que la saison précédente mais termine de nouveau à la sixième place du championnat, une performance rééditée en 2014 après l’introduction des nouveaux blocs V6 hybrides et de l’aérodynamique revue. Plus qu’un rôle d’outsider, Force India s’offre l’image durable d’une équipe capable d’évoluer en même temps que la discipline dans laquelle elle est inscrite.

En 2015, Pérez et Hulkenberg sont des candidats réguliers aux points et le Mexicain signe un podium en Russie. La progression de l’équipe est fulgurante, bien que méthodique, et une cinquième place synonyme de meilleur résultat de son histoire. Mais son ascension n’a d’égal que son appétit, et Force India est aujourd’hui en lutte pour la quatrième place du championnat, à quelques longueurs de Williams.

L’équipe perpétue la tradition instaurée pendant plus de quinze ans par Eddie Jordan, en amenant une image fraîche liée à une belle détermination. Promise pendant de nombreux mois au naufrage, de Jordan à Force India, l’équipe a su se réinventer et embrasser le business de la F1 grâce à la détermination de Vijay Mallya, qui a pourtant essuyé de nombreuses tempêtes financières et médiatiques.

Mais Force India est toujours debout, et plus en forme que jamais. La lutte sera intense mais la quatrième place pourrait lui revenir au prix de belles courses sur des circuits qui devraient lui convenir. Restera à savoir quelle est l’étape suivante pour le David en passe de devenir Goliath. La victoire évidemment, la capacité à battre les valeurs les plus sûres de ce sport que sont Mercedes, Ferrari et Red Bull, sans oublier de garder en respect Williams, McLaren voire Toro Rosso.

Si elle réussit à grimper cette dernière marche, Force India aura définitivement creusé son trou en Formule 1 en étant repartie de zéro, du bas de l’échelle, pour en atteindre son sommet.

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