Ferrari : la livrée blanche et rouge, le retour de la malédiction ?
Points d’histoires…
L’hiver dernier, Ferrari dévoilait sa livrée pour la nouvelle saison, avec une surprise de taille dans les cartons : le retour d’une livrée non plus seulement rouge, mais rouge et blanche.
Le clin d’œil était évident pour les dirigeants de la Scuderia : référence était faite à la 312 T de Niki Lauda, celle de la saison 1975, quand l’Autrichien avait amené les Rouges au sommet.
Les ambitions de la livrée rouge et blanche rejoignaient les caractéristiques de la nouvelle monoplace, décrite comme un grand pas en avant par le directeur technique, James Allison. « Nous nous sommes améliorés dans tous les domaines : le groupe propulseur, l’aérodynamique, la maniabilité… Partout. » Et Maurizio Arrivabene, le directeur d’équipe, parlait ostensiblement d’aller battre Mercedes : « L’an dernier, l’objectif était de remporter trois Grands Prix, ce que nous sommes parvenus à faire, mais je pense que cette année nous devons avoir de plus grandes ambitions. L’objectif est donc le championnat. J’aimerais au moins nous voir nous battre pour le titre jusqu’à la fin de la saison. Je sais que cela ne sera pas facile, car nos adversaires ne sont pas restés les bras croisés cet hiver, mais nous ferons tous de notre mieux pour atteindre cet objectif. »
Plus d’une demi-saison plus tard, le constat est triste pour la Scuderia. James Allison, pour des raisons familiales, a quitté le navire, tandis que la monoplace est désormais distancée en performance à la fois par Mercedes et Red Bull. Réussir même à remporter trois victoires – l’objectif accompli de la saison dernière – paraît désormais, sauf retournement de situation, hors de portée. Malgré un début de saison encourageant quoique perturbé par des problèmes de fiabilité, la Scuderia vit donc une saison décevante. Une de plus.
Bien entendu, la livrée n’a aucune incidence sur les performances d’une monoplace. Il n’en reste pas moins qu’en F1, la part du symbole demeure importante et marque l’histoire de la discipline. On se souvient de la monoplace de Niki Lauda en 1975 des décennies après.
Mais la mémoire est sélective. Aurait-on ainsi oublié pourquoi Ferrari n’avait plus proposé de livrée rouge et blanche depuis des années ? Cette décision remonte au début des années 1990. Alors que la Scuderia traverse l’une des phases les plus noires de son histoire, la monoplace de l’année 1993 affiche du blanc, rappelant, déjà, les exploits passés de Niki Lauda. Mais il fallait aussi honorer le fidèle sponsor – le blanc donne de surcroît plus de visibilité aux sponsors !
Or, la saison ne se passe pas du tout comme prévu. La F93, propulsée par un V12 Tipo de 740 chevaux, déçoit de bout en bout. La voiture n’est clairement pas compétitive. Le meilleur résultat de la saison est une 2e place de Jean Alesi en Italie. La fiabilité est également un point critique : Jean Alesi compte 9 abandons dans la saison, et Gerhard Berger 7 ! Aucune Ferrari ne voit l’arrivée en Europe et à Saint-Marin, lors du début de saison, ni non plus au Japon. La Scuderia termine 4e au classement des constructeurs.
Ce point d’histoire, un habitué des paddocks l’avait déjà soulevé en hiver dernier : Ivan Capelli, pilote Ferrari lors de la saison 1992. « Quand j’ai entendu que le blanc allait faire son retour, j’ai été un peu interloqué au début. Au sein de l’équipe, à l’époque, on disait que le blanc n’apportait pas de bons résultats à Ferrari. Je sais que les Ferrari rouges et blanches rappellent une époque particulièrement bonne au milieu des années 70 mais la légende négative autour du blanc est née plus récemment. En fait, après 1993, Maranello avait décidé de supprimer totalement le blanc pour reprendre le look traditionnel. Et depuis, saison après saison, les choses allaient de mieux en mieux. »
Quelques mois plus tard, nous sommes donc fixés : cette saison 2016 ressemble davantage à la saison 1993 qu’à 1975. Les problèmes de fiabilité en début d’année font d’ailleurs étrangement penser à la saison 1993. En avril, Maurizio Arrivabene avait du reste assumé ce choix de la performance au détriment de la fiabilité : « Notre voiture est très bonne, l’an dernier nous avions deux choix, la fiabilité ou la performance en priorité et nous savons que pour revenir sur Mercedes, il nous faut de la fiabilité. Mercedes travaille désormais sur la fiabilité car ils sont rapides, donc nous prenons un risque, nous le savons. » Or, même en ayant fait ce choix, Ferrari n’est pas non plus compétitive.
Et si le blanc était la cause de tous les maux pour Ferrari ? Superstition, dira-t-on ! Évidemment, il y a une part de cela. Mais le problème est peut-être plus profond qu’il n’y paraît, et la forme peut rejoindre le fond. Changer ainsi de livrée est le signe d’une équipe qui se cherche, qui est à la poursuite de son passé, qui n’a plus cette stabilité des années Schumacher. Au fond, cette livrée rouge est blanche est moins importante par sa couleur que par ce qu’elle nous dit de Ferrari : le doute habite toujours la Scuderia.