Entretien avec Niki Lauda
Par Jean Alesi
A l’occasion du Grand Prix d’Autriche, Jean Alesi a rencontré Niki Lauda pour un entretien exclusif avec Canal + dans l’émission Formula One.
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’interview.
Jean ALESI : Merci beaucoup Niki. C’est ma première interview de toi !
Niki LAUDA : Bonne chance !
Jean ALESI : Merci ! Tu es trois fois champion du monde, et quand je pars de chez moi pour les Grands Prix, mon fils de huit ans me dit à chaque fois : « Est-ce que tu vas voir Niki ? » Comment expliques-tu qu’aujourd’hui tu es une légende, même pour les enfants ?
Niki LAUDA : À cause de mon oreille !
Jean ALESI : Au début, j’ai dit à mon fils que tu étais à un barbecue. Mais il a compris que ce n’était pas vrai !
Niki LAUDA : Je ne sais pas. Vous ne pouvez jamais prévoir votre vie. La première chose positive pour mon image, c’est quand j’ai signé chez Ferrari.Tu sais mieux que moi ce que cela signifie pour un pilote. Donc j’ai commencé à courir pour Ferrari, et ma popularité a décollé. Cela aurait pu s’arrêter d’un coup... mais j’ai eu mon accident au Nürburgring. Mais finalement, brûler dans une Ferrari devant le monde entier, c’est très particulier ! Cela a sensibilisé aussi les personnes qui ne s’intéressaient pas à la F1. J’ai beaucoup travaillé, j’ai connu des hauts et des bas mais je m’en suis toujours sorti. C’est ce qui a façonné mon image.
Jean ALESI : Tu es actuellement le "directeur non-exécutif" de Mercedes. Mais dans le paddock, tout le monde veut toujours savoir ce tu penses et ce que tu aimerais faire.
Niki LAUDA : Je m’occupe de toutes les relations extérieures, de Bernie Ecclestone jusqu’au moins puissant. Toto Wolff s’occupe, lui, des problèmes internes. Mais à la fin, nous devons toujours trouver les solutions ensemble. Tu as raison, je suis le ministre des affaires étrangères. Je fais de la politique, mais en même temps je décide avec Toto de chaque détail qui peut nous faire gagner les courses. Je trouve cela très intéressant.
Jean ALESI : Nous avons plusieurs fois entendu que les relations étaient tendues entre Rosberg et Hamilton. Comment interviens-tu dans ces cas-là ?
Niki LAUDA : C’est toujours tendu entre nos deux pilotes car comme tu le sais, quand deux excellents pilotes ont la même voiture, il y a toujours des problèmes ! Ils veulent toujours être meilleur que celui du garage d’à côté. La clé, c’est qu’ils arrivent à se contrôler eux-mêmes car ils ont les mêmes outils à leur disposition.
Donc notre travail est de faire en sorte que l’un ne pousse pas l’autre hors de la piste. Mais c’est arrivé une fois l’an passé à Spa. On leur a dit ensuite qu’ils devaient d’abord penser à la victoire de Mercedes. Ensuite seulement, ils ont le droit de penser à eux !
Jean ALESI : Ils t’écoutent quand tu prends la parole ?
Niki LAUDA : Le management leur parle avec du langage de management. Mais les pilotes sont des animaux différents. Les pilotes et moi sommes les mêmes animaux et même si je suis plus vieux, finalement je sais quoi leur dire ou comment les aider à résoudre leurs problèmes.
Jean ALESI : La Formule 1 vit actuellement une période difficile. Qu’en penses-tu ?
Niki LAUDA : Aujourd’hui, les voitures sont trop faciles à piloter avec les aides électroniques, la direction assistée, moins d’adhérence. Quand les pilotes montent sur le podium, on dirait qu’ils sortent de leur douche ! Ils sont tout frais ! Aujourd’hui, les pilotes arrivent sur la grille, ils chauffent leurs pneus et les ingénieurs font tout le reste ! Ce n’est pas bon ! Le pilote devrait gérer tout seul son embrayage. S’il fait une erreur, les autres le dépasseront et c’est tout ! La réglementation doit redonner au pilote la responsabilité de sa voiture, et rendre les monoplaces plus rapides. Nous devons nous assurer que cela soit mis en place au plus vite.
Jean ALESI : Niki, merci beaucoup !
Niki LAUDA : Un plaisir !