Du banc d’essais à la piste, les coulisses du calvaire de Honda
Tout a commencé l’an dernier…
Honda a totalement changé de concept moteur durant l’intersaison et les conséquences à court terme se sont malheureusement vues, tant sur le plan de la performance que de la fiabilité. Quand, et dans quelles circonstances, le motoriste japonais a-t-il découvert que ce "Power Unit" (PU) version 2017 serait une franche déception en début de saison ?
« En gros, cela a pris presqu’une année pour dessiner un moteur complètement nouveau, donc c’est pourquoi nous avons commencé le développement du moteur 2017 en mai dernier » révèle tout d’abord Yusuke Hasegawa, le responsable du projet F1 chez Honda.
« Donc le moteur de cette année a été développé fin 2016. En parallèle, nous avons aussi conduit des tests avec des moteurs à un seul cylindre et des tests plus expérimentaux sur d’autres moteurs. Cependant, quand nous avons allumé le moteur complet pour la première fois, nous pouvions voir qu’il n’avait pas la durée de vie ou la performance attendues. Nous avons trouvé de nombreux problèmes mineurs. Donc nous avons dû modifier des petites choses. »
Ce n’était malheureusement que le début des problèmes pour Honda…
« Après avoir résolu ces éléments moins importants, nous avons commencé à tester l’ensemble du concept au début de l’année – appelez-la An Zéro. Mais bien sûr, à ce moment, nous savions que la puissance n’atteignait pas notre objectif. Ensuite, aux tests de Barcelone, nous avons trouvé plus de problèmes sur la voiture, comme un problème avec le réservoir d’huile. C’était un lié à la voiture. »
Sur le banc d’essais, Honda poursuit son travail à un rythme intensif. Mais comme le confirme Yusuke Hasegawa, la réalité de la piste est tout autre – il existe ainsi un important défaut de corrélation entre la théorie et la pratique, défaut que Honda n’a clairement pas su anticiper.
« Nous n’avons pas pu tester beaucoup de choses sur le banc d’essai, donc il est normal de vérifier certaines fonctions du moteur sur la voiture. Le réservoir d’huile fut l’un des points les plus importants à vérifier, donc nous avions un système pour le réservoir mais nous ne pouvons recréer sur le banc les impacts des forces G et des conditions de course dans la voiture. Bien sûr, dans le design, vous devez considérer, dans votre plan, la vraie situation de la voiture, mais parfois, ce n’est pas toujours la même situation, donc c’est pourquoi nous avons eu quelques problèmes d’abord avec le réservoir d’huile. »
« Le deuxième problème était lié aux vibrations. Sur le banc d’essais, le modèle est plus rigide et plus lourd, donc cela ne crée pas de vibrations synchronisées, mais sur la voiture, avec la boîte de vitesses et les pneus, il y a un niveau d’inertie bien moins élevé. Une faible inertie ne crée pas toujours des vibrations mais c’est totalement différent d’avec le banc d’essais, et c’est pourquoi nous avons souffert de très importantes vibrations sur la voiture. Bien sûr, nous étions conscients qu’il y aurait un certain niveau de vibrations sur la voiture, mais ce niveau était beaucoup plus important qu’attendu. »
Honda a donc accumulé les déboires et les erreurs de prévision avec une assiduité surprenante. Le motoriste japonais fait tout pour rattraper son retard en cours de saison, mais comme le rappelle son responsable, Rome ne s’est pas faite en un jour…
« Cela dépend de ce qu’il faut régler. Parfois, des choses comme le moteur thermique prennent plus de temps pour être testées, et pour être validées. Donc nous ne pouvons nous fixer un objectif à remplir en deux semaines, parce que normalement, une telle évolution prend plus de temps, comme six mois. Mais c’est aussi important de faire ce genre de développements, donc en fait, la Spec 3 en reprend. Le développement a commencé en mars, il y a plus de trois mois. »
La Spec 2 du moteur fut introduite au Grand Prix d’Espagne, où Fernando Alonso était rentré en Q3. La Spec 3, évolution plus importante donc, a été introduite à Bakou pour Fernando Alonso (en essais libres seulement) puis en Autriche pour les deux pilotes. De réels progrès ont été constatés puisque Stoffel Vandoorne a par exemple atteint la Q3 à Silverstone.
« A Barcelone, nous travaillions déjà sur la Spec 3. Même à ce moment, nous savions qu’il y avait de bonnes choses à venir, mais nous n’étions pas prêts, donc nous avions besoin de quelques mois encore pour tout introduire. »
Tous les changements de moteur, que ce soit pour accueillir les nouvelles Spec ou pour remplacer les moteurs déficients, ont évidemment une lourde conséquence en termes de pénalités. Turbo, MGU-K, MGU-H, moteur thermique… la FIA limite tout ou presque tout sur les nouvelles unités de puissance.
Honda peut néanmoins jouer sur les réglages ou apporter des évolutions mineures, qui n’ont pas des pénalités pour conséquence. Hasegawa révèle que Honda apporte même des évolutions « à chaque course. »
« Mais nous ne les appelons pas ‘évolutions’ parce que parfois, c’est une contre-mesure pour la durée de vie ou la fiabilité. Nous avons aussi réduit le poids de nombreuses pièces. Un bon exemple, c’est le changement du système d’admission, l’an dernier. Nous étions passés de l’aluminium au carbone. Cet exemple d’évolution est plus facile à introduire, mais le cœur de la performance n’a pas changé. »