Damon Hill : une vie entre trophées et tragédies

Un récit poignant

Par Alexandre C.

14 septembre 2016 - 08:30
Damon Hill : une vie entre trophées (…)

Ancien champion du monde de F1, fils de Graham Hill - décédé dans un accident d’avion - et ancien coéquipier d’Ayrton Senna durant le funeste week-end d’Imola, Damon Hill a traversé une succession d’étapes difficiles au cours d’une existence particulièrement tumultueuse. Au milieu des succès et des courses remportées, c’est souvent la peur et la terreur qui furent hélas ses compagnons, comme en a témoigné l’Anglais au cours d’une rare confidence.

Après la mort d’Ayrton Senna, Damon Hill, hanté par les démons du souvenir, a ainsi refusé de regarder une seule course de sport auto pendant six ans. Il a également consulté un spécialiste en 2003, qu’il voit toujours aujourd’hui.

Devenu pilote numéro 1 de Williams, il a lutté pour le titre mondial, avec succès, en 1996, face à un certain Michael Schumacher. Il ressent alors le poids de la pression, quand les Brésiliens le soutiennent, en hommage à l’équipe d’Ayrton Senna. « On m’a donné un jour un t-shirt signé par l’équipe de football brésilienne. J’étais très touché, mais c’est de la pression supplémentaire, non seulement pour moi, mais pour tous ces gens ».

Le Britannique n’a pas eu de relations amicales avec le septuple champion allemand, loin de là. Il se rappelle d’un épisode où Michael Schumacher lui avait renversé une pinte de bière sur la tête. « J’étais confus, vraiment. Etait-ce de l’humour ? Je ne sais pas. Je ne pense que nous aurions pu être amis, il est très différent de moi. Mais je respecte totalement ce qu’il a réussi durant sa carrière. »

A l’avant dernière course de la saison, remportée par Damon Hill, il avait su résister au retour de Michael Schumacher en trouvant une aide insoupçonnée : la force de Senna selon lui… « Michael me rattrapait et j’étais à la limite. Je pensais qu’il ne me restait plus rien. Alors j’ai appelé dans mon esprit Ayrton, je lui ai demandé s’il pouvait faire quoi que ce soit pour m’aider, et je me suis soudain envolé. C’était simplement une petite prière. Je sais qu’ensuite, j’étais comme une fusée. Ce qui est vraiment arrivé, je n’en ai aucune idée, mais c’était réel, et je n’ai jamais piloté ainsi par la suite. Nous avons tous ce potentiel. Il faut avoir le courage de l’explorer. Senna en avait la capacité. Il explorait ses limites et, pendant une minute, ces peurs qui nous retiennent en arrière m’ont abandonné. C’était très impressionnant. »

L’accident de ski de Michael Schumacher, en 2013, l’a bien sûr fortement atteint. « C’est terrible, effrayant, de penser qu’une chose de telle nature peut arriver. Vraiment, vraiment malchanceux pour lui et horrible pour sa pauvre épouse. »

Damon Hill a malheureusement vécu de nombreuses tragédies, notamment aux côtés de son père Graham. Sur une photo de Noël de 1961, on voit le petit Damon entouré de son père et de ses collègues Bruce McLaren, Stirling Moss, Tony Brooks, Jo Bonnier et Wolfgang von Trips. Seulement deux d’entre eux évitèrent une fin prématurée. « Père n’aurait pas voulu en parler. Les hommes sont supposés faire avec ces expériences. »

Damon Hill n’a pas perdu son père dans un accident de F1, mais dans un accident d’avion, en 1975, quand son jet privé s’est écrasé dans le sud de la France. Il avait 15 ans alors. Son père reçut des funérailles d’Etat, une nouvelle épreuve. « Vous ne pouvez pas pleurer à l’enterrement parce que tout le monde est là. Ce n’est pas votre enterrement, c’est un enterrement pour l’Etat. » Damon Hill a finalement pleuré au début de ses vingt ans, « et je pense que c’était la première fois que j’ai pleuré ».

Le décès d’Ayrton Senna fit en lui ressurgir les pires des souvenirs. Ce fut pour lui « un choc » de voir « ces choses ressusciter – le deuil inachevé que j’ai eu quand mon père est décédé. » Quand il vit le dernier t-shirt porté par le Brésilien, au Grand Prix suivant, à Monaco, la douleur n’en fut que plus vive. « Quand un pilote est dans un état vulnérable, il n’a pas besoin de se rappeler cela. »

Retraité en 1999, Damon Hill a alors passé plus de temps avec sa femme Georgie et ses quatre enfants. Mais ses peurs ne l’ont jamais quitté. « Je n’ai pas lu les journaux. Je n’ai pas regardé les courses pendant cinq ou six ans. J’étais détaché de tout durant une bonne partie des années 1990. En 2003, j’ai recherché de l’aide. La thérapie, c’est pour apprendre à vous exprimer vous-même, à exprimer vos émotions. Maintenant, j’ai des phases d’anxiété, mais ce n’est en rien comparable à ce que j’avais. Mais vous arrivez au point de penser : ‘Je suis à court de réponses’. J’étais à un concert des Who et ils jouaient The Kids are Alright, et des larmes ont coulé sur mon visage. C’était le deuil qui aurait dû arriver. »

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