Coulthard : L’accident de Bianchi rappelle les dangers de la F1
Même si d’énormes progrès sont accomplis en permanence
La terrible nouvelle concernant Jules Bianchi a forcément réveillé de très mauvais souvenirs chez l’ancien pilote de F1 David Coulthard. L’Écossais est celui qui avait remplacé Ayrton Senna chez Williams en 1994, après la mort de ce dernier. Il a pris la plume après le décès de Jules, hier.
"La Formule 1 n’est pas étrangère à la tragédie, et la mort de Jules Bianchi nous rappelle que le danger n’est jamais très loin. Durant ces vingts dernières années, la F1 a vu de nombreux pilotes s’accidenter de manière spectaculaire. Je pense notamment aux accidents de Robert Kubica au Canada en 2007 et de Mark Webber à Valence en 2010.
Ils n’ont pas subi de blessure grave et il faut rendre hommage aux progrès réalisés du côté de la sécurité suite au terrible week-end de Saint Marin de 1994, durant lequel Ayrton Senna et Roland Ratzenberger ont perdu la vie.
Les leçons d’Imola ont toujours eu une grande influence sur la F1. Ce genre d’incident amène une période d’introspection et d’autres choses ont changé suite à l’accident de Bianchi.
Ce qui est arrivé à Bianchi peut être décrit comme un accident terrifiant. Il y a eu des circonstances encore plus inhabituelles lors de l’accident de Massa en 2009, après que ce dernier ait reçu une suspension dans le casque qui lui avait fracturé le crâne. Dans les deux cas, on a retenu la leçon. Les casques ont été repensés et renforcés suite à l’accident de Massa.
Et après l’accident de Bianchi, deux éléments clés ont changé au niveau de la sécurité. Le premier est un renforcement du cockpit. Le deuxième est l’introduction de la voiture de sécurité virtuelle sous certaines conditions en course.
Bianchi a été blessé à cause d’un véhicule d’intervention qui évacuait une autre monoplace. Toutes les procédures étaient respectées à ce moment-là, mais Bianchi a perdu le contrôle de sa voiture et est sorti de la piste.
La voiture de sécurité virtuelle enlèvera au pilote la responsabilité de prendre la décision de lever le pied dans de telles conditions. Si celle-ci avait été déployée au Japon l’an passé, les pilotes auraient conduit à une vitesse modérée.
Cela signifie que la probabilité de revoir un tel accident est considérablement réduite. Mais malgré tout, le danger ne peut pas complètement disparaître, car même à moins de 100 km/h, une F1 peut partir en aquaplaning et sortir de la piste.
Clairement, le plus grand risque pour un pilote de F1 est que sa tête soit exposée et il y a eu de nombreux débats sur le fait que les monoplaces n’aient pas un cockpit fermé. Beaucoup de changements ont été opérés récemment pour protéger la tête des pilotes et la FIA continue d’essayer d’améliorer la situation.
Mais chaque décision a été prise sans pour autant dénaturer le sport et ainsi, nous avons toujours gardé des voitures ouvertes. Il y a d’autres disciplines en sports mécaniques où la tête du pilote est couverte, mais la F1 est la catégorie reine et tous ceux qui ont l’opportunité d’y aller le font.
Tous ceux qui pratiquent ce sport savent qu’ils ne sont pas à l’abri du danger. Et même si aucun pilote n’a connu d’accident fatal entre Senna et Bianchi, d’autres pilotes sont morts dans d’autres catégories.
Le danger est une partie inhérente de la vie et ce sont vos choix qui déterminent si vous prenez plus ou moins de risques.
Tous ceux qui montent à bord d’une voiture de course savent qu’ils sont amenés à affronter le danger, mais ils finissent toujours par le faire car c’est ce qu’ils aiment faire.
J’ai pu débuter en F1 suite à la mort de Senna que j’ai remplacé chez Williams. Je n’ai jamais oublié ça. Mais j’ai moi-même connu des accidents et traversé les différents aspects de ce travail.
Pour moi, la joie de courir et la prise de risque font partie de ce travail. Et je pense que 99% des gens sur la planète pensent de cette façon. Nous savons tous que nous mourrons un jour, mais nous n’avons pas peur à chaque pas que nous faisons.
L’appel du sport automobile est tel que des gens voudront toujours prendre le risque de s’y lancer, et je ne parle pas que des pilotes. Tous ceux qui sont impliqués dans le sport automobile courent un danger potentiel. A mon époque en F1, deux commissaires de piste furent tués. Malgré les barrières de sécurité, il y a toujours des débris qui volent dans les airs.
C’est la même chose pour les spectateurs. Tout ce qui est possible pour les protéger a été mis en place, mais quelque chose peut toujours arriver. Les voitures roulent à plus de 300km/h et il y a donc forcément des risques.
Lorsque vous achetez des billets, il est écrit dessus ’le sport automobile est dangereux’ et il y a une raison à cela. La même phrase est inscrite à plusieurs endroits dans le paddock.
Accepter cela ne signifie en revanche pas qu’il ne faut rien faire pour améliorer la situation. Les responsables du sport sont continuellement en train de chercher des solutions pour réduire les risques.
En F1, le but est de pousser la voiture à la limite des capacités humaines. C’est ce qui rend ce sport si attractif tout autour du monde. D’autres suivent ce sport pour d’autres raisons. Certains regardent car la course est excitante, d’autres admirent les compétences de ceux qui y travaillent.
Durant les 21 années que j’ai passées dans le monde des Grands Prix, la sécurité s’est considérablement améliorée, à tel point que certains pensaient que les pilotes ne prenaient plus aucun risque.
Mais comme l’accident de Bianchi l’a démontré, il y aura toujours du danger. Cela est arrivé sur l’une des pistes les plus anciennes. Mais beaucoup de pilotes vous diraient que cela reste l’un des circuits où ils prennent le plus de plaisir à piloter.
Et ce n’est pas parce qu’ils pensent que la mort peut faire partie du défi. Mais simplement parce qu’un erreur ici coûte plus cher que sur une piste moderne avec beaucoup de zones de dégagements. Plus le challenge est difficile, plus l’appel sera grand."