Arrivabene, la F1 comme la cuisine et le Rock’n’Roll
Un homme attentif au monde qui l’entoure
Maurizio Arrivabene, arrivé en novembre dernier à la tête de la Scuderia Ferrari, a commenté les propositions actuellement à l’étude pour tenter de redresser la Formule 1. Et force est de constater que lesdites propositions sont pour le moins décevantes, si ce n’est controversées, comme les voitures-clientes.
« Je vais utiliser un exemple tiré de MasterChef, commence Arrivabene lors d’une interview avec Reuters : on essaie de cuisiner ce qu’on peut avec les ingrédients qu’on a et on fait de notre mieux. J’ai lu des articles qui disaient que les propositions du Groupe Stratégie n’étaient pas révolutionnaires : ils vont piocher dans le passé, pour nous proposer les mêmes ingrédients. C’est probablement la raison pour laquelle les nouveautés n’en sont pas vraiment, c’est toujours le même ADN. À moins de le changer, on ne peut pas cuisiner quelque chose de différent. »
Et la recette du succès pourrait venir d’outre-Atlantique selon l’Italien.
« Ils ont la NHL, la NBA ou la NFL, reprend-il, et leurs règles sont très simples et adaptées au spectacle chaque année. Ici, c’est le spectacle qui doit s’adapter aux règles, et je pense que ce n’est pas la bonne manière de procéder. »
Arrivabene semble se détacher de ses homologues, comme peuvent en attester les essais hivernaux de Barcelone qui avaient vu le directeur de Ferrari aller s’asseoir dans les tribunes pour protester contre la réduction du nombre de laissez-passer pour le paddock. Eddie Jordan, ancien patron de l’écurie éponyme devenue aujourd’hui Force India, loue l’Italien pour son esprit libre.
« Je connais Eddie depuis longtemps, c’était un directeur très rock’n’roll, sourit Arrivabene. Il était toujours lui-même, dans le paddock comme en dehors. J’essaie plus ou moins de faire la même chose, d’employer un langage qui ne soit pas trop académique, être moi-même. Je pense qu’il est parfois ridicule qu’un directeur d’écurie parle comme un ingénieur. »
« Essayer d’être soi-même, c’est la meilleure des choses à faire, je crois. La plupart des gens pensent probablement que j’exagère un peu dans ma façon de m’exprimer mais, si la Formule 1 veut gagner en popularité, il faut utiliser des mots vrais et ne pas prétendre être ce que vous n’êtes pas. »
Bernie Ecclestone avait récemment décrit le patron de Ferrari comme un personnage « simplement pour lui-même et pas pour la Formule 1, » ce qui interpelle quelque peu Arrivabene.
« Je ne vais pas commenter ce que Bernie a dit, parce que d’un côté il demande à ce qu’il y ait plus de personnalité, de caractère, mais de l’autre il n’aime pas ça. Je ne sais pas… »
L’Italien semble également particulièrement attentif à ce qui se passe autour de lui.
« Les directeurs d’écurie ne font pas que regarder leur propre activité : ils vivent dans ce monde, un monde où des gens peinent à joindre les deux bouts en fin de mois, un monde de films, de musique, de livres. Je suggèrerais à tout le monde de prêter ne serait-ce qu’un peu d’attention à la culture qui les entoure. »
« Je trouve ça très ennuyeux quand on n’est pas dans le paddock et qu’on continue à parler de Formule 1, parce ça montre que nous ne sommes pas ancrés dans le monde réel. C’est un travail et du divertissement pour les gens, mais le vrai monde est autour, pas ici. »
Une image très forte est restée en tête d’Arrivabene lors d’un Grand Prix à Hockenheim dans les années 90, en pleine Guerre de Bosnie, quand des images du conflit furent diffusées à la télévision dans les aires réservées aux équipes : « j’ai tourné la tête, et tout le monde continuait comme si de rien n’était. Ils ont regardé pendant un moment, puis ont continué : ‘ah, tu te souviens cette année-là avec Piquet ?’ et je me suis demandé s’ils vivaient bien dans le même monde que moi. »