Analyse : Mercedes doit-elle engager un jeune pilote pour remplacer Rosberg ?
Le salut par la jeunesse ?
Maintenant que Nico Rosberg a décidé de prendre sa retraite, Mercedes se retrouve dans une situation délicate. Bien entendu, il n’y a pas de baquet plus séduisant que celui de la firme à l’étoile, si bien que Toto Wolff affirme que 90 % des pilotes du plateau l’ont déjà contacté, directement ou indirectement. Mais il n’en demeure pas moins que Mercedes n’avait pas du tout prévu de trouver un remplaçant à Nico Rosberg dès cette saison.
Quel serait le profil idéal du successeur d’un champion du monde ? Parmi les pistes évoquées par Toto Wolff, il y a celle de recruter un jeune pilote. « Une hypothèse est de promouvoir nos jeunes pilotes, Ocon ou Wehrlein. Après tout, d’autres équipes ont donné leur chance à des jeunes, comme (Max) Verstappen et (Stoffel) Vandoorne » a ainsi confié Toto Wolff, en référence aux paris réussis de Red Bull et de McLaren.
Mercedes aurait-elle donc intérêt à confier les clefs de son deuxième volant à Pascal Wehrlein ou Esteban Ocon ? Entendons-nous bien, lorsque l’on parle de jeunes pilotes qui pourraient prendre le baquet Mercedes, l’Allemand et le Français sont les premiers concernés. On imagine mal Red Bull et McLaren libérer Verstappen et Vandoorne (du reste, contrairement à ce qu’avance Wolff, Verstappen ne peut pas vraiment être considéré encore comme un jeune pilote). De plus les autres jeunes pilotes actuellement disponibles (le champion de GP2 et son vice-champion, Pierre Gasly et Antonio Giovinazzi, sans parler de Charles Leclerc), tout aussi prometteurs qu’ils soient, ne semblent pas avoir l’expérience suffisante pour d’un bond de géant signer chez Mercedes.
Que penser alors ? Engager Ocon ou Wehrlein ne serait-il pas faire un pas en arrière chez Mercedes ? Les deux jeunes pilotes sont certes très prometteurs, mais Nico Rosberg est d’un tout autre acabit. Avec seulement une saison et une demi-saison d’expérience en Formule 1, Pascal Wehrlein et Esteban Ocon n’ont clairement pas, du moins pour le moment, l’étoffe d’un champion du monde.
L’équation est aussi simple que cela : engager un jeune à la place d’un champion du monde, c’est l’assurance de ne pas marquer autant de points qu’avec Nico Rosberg. Bien sûr, même avec un Ocon ou un Wehrlein, Mercedes aurait sans aucun doute été sacrée championne du monde des constructeurs cette saison. Mais la saison prochaine, avec le vaste changement de réglementation, la compétition pourrait être bien plus serrée, et le titre mondial se jouer à quelques points… Prendre un jeune, c’est donc prendre un risque. Ne vaudrait-il pas mieux laisser Ocon et Wehrlein s’aguerrir encore une saison ?
Le changement de réglementation joue encore contre l’option de prendre un jeune pilote. En effet, le développement des monoplaces et le retour d’expérience à l’usine comme sur la piste seront infiniment plus importants en 2017 qu’en 2016. Et dans ce domaine-là, il n’y a pas de mystère : plus un pilote a d’expérience, plus il est capable de donner un meilleur retour d’expérience. C’est pour cette raison notamment que Williams avait décidé de recruter Felipe Massa en 2014, ou que Ferrari a prolongé Kimi Raikkonen. Lewis Hamilton pourra-t-il à lui seul endurer la charge de développer la Mercedes de l’an prochain en cours de saison ? Difficile à le croire, d’autant plus qu’en face, la concurrence (Verstappen-Ricciardo et Raikkonen-Vettel) serait bien mieux armée.
Enfin, si l’on retourne de l’usine à la piste, engager un jeune pilote serait mettre fin à l’émulation qui faisait rage chez Mercedes. Nico Rosberg et Lewis Hamilton se poussaient l’un l’autre dans leurs derniers retranchements ; ils devaient livrer le meilleur d’eux-mêmes pour être sacré champion du monde. Avoir un concurrent féroce en face, c’est l’assurance d’avoir deux pilotes qui haussent continuellement leur niveau d’exigence. Tel était par exemple le vœu de Sergio Perez chez Force India : que le remplaçant de Nico Hulkenberg soit le meilleur possible, afin de tirer l’écurie par le haut. Or, avec un jeune pilote en face de lui, Lewis Hamilton n’aurait sans doute pas à livrer autant d’efforts au simulateur comme en Grand Prix pour dominer son coéquipier… Et on sait que l’Anglais marche aussi beaucoup à la motivation !
La compétition qui régnait entre Rosberg et Hamilton est pourtant un argument qui plaide aussi en faveur de la signature d’un jeune pilote. Que ce soit en Espagne cette saison ou en Belgique en 2014, la rivalité entre les deux pilotes Mercedes a fait perdre des victoires à l’écurie argentée. Avec un Lewis Hamilton (clairement numéro 1) et un jeune pilote (clairement numéro 2), le gaspillage de points serait bien plus rare. Et encore une fois, ce pourrait être infiniment précieux l’an prochain !
Du reste, on sait que l’affectif est très important pour Lewis Hamilton. Qu’il soit traité clairement comme un numéro 1 devrait l’engager sur le long-terme chez Mercedes et lui donner davantage de sérénité en compétition. Un Lewis Hamilton qui se sent apprécié, c’est un Lewis Hamilton qui gagne.
Et puis, sait-on vraiment si Pascal Werhlein et Esteban Ocon seraient si facilement distancés par Lewis Hamilton ? Il ne faut pas oublier que dès sa première saison en DTM, l’Allemand a été sacré champion de la discipline, ce qui augure d’un talent indéniable. Il a également marqué un point en Autriche avec une Manor qui vaut ce qu’elle vaut, et a devancé à de multiples reprises les Sauber ou les Renault en qualifications cette saison. Quant à Esteban Ocon, il a tout simplement été meilleur que Max Verstappen en F3 européenne. Et quand on voit ce qu’a accompli le Néerlandais dès sa première saison chez Toro Rosso… Oui, Ocon comme Werhlein sauront répondre présents dès leur première saison. Leur potentiel de progression paraît tout à fait significatif, si bien que s’ils n’inquiètent pas Hamilton en début de saison, rien ne dit que ce soit encore le cas en fin de parcours…
Enfin, Pascal Wehrlein et Esteban Ocon connaissent les rouages de l’écurie Mercedes. Les deux pilotes (surtout l’Allemand, il faut bien le reconnaître) ont déjà testé la voiture de cette saison lors d’essais privés ; ils se sont montrés à la hauteur de leur tâche, sans jamais faillir ; ils connaissent aussi le mode de fonctionnement et le management de l’écurie et sauront ainsi être compétitifs sans trop de temps d’adaptation. Le risque pour Mercedes en ressort donc diminué ; mais une écurie triple championne du monde osera-t-elle prendre ce pari risqué autant que prometteur ?