Alonso chez Red Bull, une fausse bonne idée ?
De nombreuses problématiques se poseraient
Habituellement propice aux rumeurs et spéculations, la pause estivale que connait la Formule 1 chaque année semble prendre une direction encore plus extrême cette année. Probablement dû au baquet libre et convoité chez Red Bull, cet engouement pour les spéculations devrait en tous cas bien occuper notre été.
Un des bruits circulant actuellement fait état d’un intérêt mutuel entre Red Bull et Fernando Alonso. Son manager ayant été vu dans le motorhome de l’équipe autrichienne, il était évident que des rumeurs allaient commencer à se répandre. Et bien qu’un vague démenti ait fait état de la présence de Luis Garcia Abad chez Red Bull pour parler d’un autre de ses pilotes, Carlos Sainz Jr, on peut difficilement imaginer que les représentants de la meilleure équipe rencontrent le manager d’un des meilleurs pilotes sans aborder le cas de la place laissée vacante par Mark Webber.
Cette place était jusqu’alors annoncée comme un duel entre Kimi Raikkonen, champion du monde 2007, actuel deuxième du classement, et parfois lassé de sa collaboration avec Lotus, et Daniel Ricciardo, actuel pilote Toro Rosso et voué, selon le rôle de son équipe, à piloter pour Red Bull.
Il faudrait cependant être naïf pour penser qu’aucun autre pilote ne tenterait sa chance, et bien que certains décisionnaires de Red Bull aient déclaré que le poste se jouerait entre les deux précédemment cités, la déclaration de Christian Horner a confirmé en deux phrases ce que nous imaginions tous, Red Bull ne laissera pas de côté une très bonne option.
« Notre situation est claire, nous voulons l’équipe la plus forte » a d’abord déclaré Horner, avant d’ajouter : « Il n’y a jamais eu de pression pour que nous prenions un pilote junior ».
Des déclarations qui sonnent comme une évidence quand Kimi Raikkonen apparaît sur la liste potentielle des remplaçants à Webber, mais qui a le mérite de rendre ouvertes les candidatures pour obtenir un volant dans l’équipe qui domine depuis le début de notre décennie. Ces déclarations faisant écho aux images du manager d’Alonso en entretien avec Horner, la possibilité est sérieusement évoquée.
Pour Fernando Alonso, l’éventualité de disposer d’une Red Bull est sûrement alléchante. Lui qui n’en finit plus de subir des occasions manquées de son équipe et de voir les saisons défiler sous ses yeux doit commencer à se lasser.
Une équipe de légende qui ne gagne pas
En 2011, la messe était rapidement dite, tant le duo Red Bull / Vettel était au-dessus du lot. Rien ni personne n’a pu entraver une marche vers le succès qui n’a laissé que des miettes à ses adversaires. En 2010 et 2012 en revanche, la Scuderia a pu amener son pilote à la lutte pour le titre, lui offrant des opportunités de victoire nombreuses, une voiture parfois intouchable, et le vrai statut de leader que Fernando attendait. Mais au final, la Scuderia a toujours payé une gestion parfois un peu trop gentille de la part de Stefano Domenicali, et quand ce n’était pas la voiture qui avait des soucis de développement, c’étaient les stratégies qui coûtaient cher.
En 2010, une stratégie ridicule à Abu Dhabi coûte le titre à Alonso pour quatre points, lui qui était pourtant à la lutte avec les deux Red Bull. En 2012, malgré une voiture mal née, Alonso possède jusqu’à 40 points d’avance sur Sebastian Vettel peu après la pause estivale. Et pourtant, c’est une Ferrari peu à son avantage que l’on verra en fin de saison, et Alonso concèdera encore le titre pour une poignée de points, trois cette fois.
Que dire de la saison en cours ? Ferrari semblait enfin avoir mis sur la piste une voiture bien née dès février, ce qui n’était pas le cas par le passé. Avec un Felipe Massa revenu au niveau, la Scuderia pouvait se targuer d’être l’écurie la plus impressionnante de la tournée hors Europe de début de saison, et semblait avoir de quoi prendre le championnat en main, tant Red Bull donnait l’impression de ne pas avoir bien débuté sa saison.
Pourtant, Ferrari verra tour à tour Lotus, Red Bull et Mercedes prendre l’ascendant, tant en qualifications qu’en course, et à ce jour on a pu voir Domenicali se satisfaire d’une cinquième place sur la grille de départ. Serait-ce symptomatique de ce qu’est Ferrari actuellement ? Une chose est sûre, une année entière aux avant-postes ne semble pas dans les cordes de la Scuderia.
Ferrari aimerait plus que tout offrir le titre à Alonso, et Alonso aimerait plus que tout être champion avec l’équipe de ses rêves.
Ceci dit, on ne peut pas imaginer Alonso continuant à enchaîner les échecs année après année. Comprenons-nous bien, une place de vice-champion du monde de Formule 1 n’est pas un échec cuisant, mais pour un pilote qui a déjà deux titres à son palmarès, cette place ne correspond qu’au premier qui a perdu.
Comment ne pas être tenté, dans la position de Fernando Alonso, de rejoindre l’équipe qui vient d’enchaîner trois titres consécutifs et qui, dans le même temps, a remporté 32 victoires ? L’équipe qui a déjà traversé un changement de règlement avec succès grâce à Adrian Newey. L’équipe qu’on ne voit pas dans un autre rôle que candidate aux titres en 2014.
On peut légitimement se demander si Fernando Alonso prendrait une bonne décision en abandonnant le statut de leader incontesté que lui offre Ferrari pour rejoindre une équipe Red Bull où Sebastian Vettel est déjà très bien établi et où il aura au mieux un statut de numéro 1 à égalité avec le pilote qui sera peut-être à ce moment quadruple champion.
Deux champions, deux égos démesurés
Red Bull n’est pas très coutumière du fait, mais si elle engage un pilote de la trempe d’Alonso, ce ne sera pas pour en faire un numéro 2, et encore moins pour en faire un numéro 1 déclaré. Il faudra donc faire lutter deux champions qui représentent à eux seuls la moitié des titres de la dernière décennie.
Vettel le sait, à moins que Ricciardo ne soit engagé à ses côtés pour faire son apprentissage dans un top team, on va lui mettre entre les pattes un ancien champion du monde qui aura comme premier objectif de le battre. Et avec tout le respect que l’on a pour Mark Webber, il y a fort à parier que ce pilote lui donnera plus de fil à retordre que l’Australien.
Bien sûr, un ticket Vettel / Alonso pour Red Bull en 2014 rappellerait des duos qui ont tourné au duel par le passé, comme bien sûr l’engagement de Senna aux côtés de Prost chez McLaren dans les années 80. Serait-il aussi ingérable ? Probablement. Serait-il aussi redoutable ? Évidemment.
En tant que spectateurs, ce n’est clairement pas ce qu’il pourrait nous arriver de mieux.
Hormis espérer que les deux n’apprennent pas à cohabiter ensemble et que l’association se transforme en guerre ouverte, nous risquerions de voir une saison où la domination de Red Bull serait outrageante, d’autant qu’avec l’expérience, Adrian Newey ne semble plus concevoir de voitures inexploitables, comme ce fut le cas lors de ses jeunes années.
Un tel transfert est-il possible ?
Bien sûr que Red Bull est en mesure de convaincre un Fernando Alonso dont les louanges envers le Cheval Cabré en public ne trompent pas sur l’agacement qui est le sien. Et même si l’opération apparait pour l’heure improbable, il ne faut pas oublier que de nombreux transferts d’abord jugés improbables ont eu lieu dans un passé récent.
Qui pensait voir Lewis Hamilton quitter McLaren pour Mercedes l’an dernier lorsque les premières rumeurs en ont fait état ? Après tout, à part l’argent, on ne voyait pas ce que Mercedes offrait au récent vainqueur du Grand Prix de Hongrie. Qui pensait voir Jenson Button quitter à l’inverse la structure de Brackley, tout juste auréolé d’un titre de champion, pour aller mettre les pieds dans le jardin de Lewis Hamilton ?
Une opération qui semblait impossible, tant Brawn avait redressé la barre suite au retrait de Honda, après une saison 2009 qui avait vu à l’inverse McLaren patauger pendant plusieurs mois. Et pourtant, en mars 2010, Jenson Button remportait sa première course au volant d’une McLaren…
Tout cela nous rappelle bien que le marché des transferts nous échappe parfois, et que même si la présence d’un contrat pluriannuel entre Alonso et Ferrari renforce l’hypothèse d’une collaboration prolongée, nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise.
Dans ce cas, de nombreux enjeux seraient mis sur le devant de la scène. A commencer par la réputation des deux champions, la maîtrise des dirigeants de Red Bull ou encore la pression subie par Newey pour offrir à ces deux immenses talents une arme à leur hauteur.
Et le problème de la course au top team serait quand même transférée du côté de la Scuderia, dont on imagine que les candidats au volant seraient nombreux.