24h du Mans : Buemi explique ce qu’apporte Alonso à Toyota
Il reconnaît que Toyota a la pression
Sébastien Buemi fera équipe avec Fernando Alonso ce week-end aux 24 Heures du Mans. Le Suisse sait à quel point les Toyota – seules LMP1 hybrides – sont attendues cette année dans la Sarthe. Après des années de désillusions, l’échec est sinon inenvisageable, du moins impardonnable au sein de l’équipe japonaise.
Toyota arrive donc avec le statut d’ultra-favori cette semaine. Comment Sébastien Buemi peut-il parvenir à gérer cette pression supplémentaire ?
« C’est totalement différent de par le passé » » a-t-il expliqué à Nextgen-Auto.com ce mercredi. « Avant on arrivait ici, on ne savait pas où trop se situer. Il fallait absolument travailler la performance, être plus rapide, plus rapide, plus rapide... Ce n’était pas facile de trouver le juste milieu - entre trouver la performance et fiabiliser la voiture. »
« Cette année c’est différent, on a beaucoup travaillé sur la fiabilité, beaucoup moins sur la performance. Après, il y a quand même des différences entre les LMP1 hybrides ou non. Pour nous, c’est plus une course à perdre qu’autre chose. Il faut qu’on fasse correctement notre travail, sans tomber en panne, il faudra éviter les accidents. De ce qu’on sait des 13 participations différentes ici, la cause numéro 1 des abandons, c’est les accidents, la cause numéro 2, c’est la fiabilité. On essaie d’optimiser ce qu’on a, de se concentrer sur la course, sans trop penser à tout le reste, sinon, tu n’arrives plus à rouler. »
« Bien sûr, je ne peux le nier, il y a plus de pression. Chaque année, venir et ne pas gagner… A un moment donné, nous n’avons plus d’excuse. Nous sommes bien préparés. Bien sûr, le fait de ne pas gagner est un problème. C’est pour cela que cette année nous nous sommes concentrés sur la fiabilité, plus que sur la performance. Nous espérons que ce sera une bonne année. »
« Oui, on a plus travaillé la fiabilité que la performance, dans les tests en amont en janvier, février. Il y a des trucs spécifiques sur cette piste, des pièces s’abiment plus que sur d’autres pistes. Donc on a renforcé ces pièces pour Le Mans. On peaufine tout pour voir ce que ça donne, niveau usure. C’est des détails. Des tout petits trucs, tu vois que ça s’use un peu plus. Sur 24 heures ce sera long. C’est dur de garder la voiture dans le meilleur état le plus longtemps possible. T’es jamais à l’abri d’un truc qui pourra arriver au cas où. Il faut s’assurer qu’on puisse ramener les voitures même sur trois roues.. ça nous a traumatisés l’an dernier de ne pas pouvoir ramener les voitures aux stands. »
« Psychologiquement on n’imagine pas qu’on aura la poisse, on travaille pas sur ça, on fait notre boulot, on fait juste la course. »
Les LMP1 hybrides – c’est-à-dire seulement les deux Toyota – disposent d’un avantage certain de performance, comme chacun a pu le constater lors des 6 heures de Spa. Pour autant, Sébastien Buemi ne pense pas qu’il y ait un véritable gouffre entre Toyota et les autres LMP1 – dont Rebellion.
« C’est difficile à dire. Dans un tour ici, avec le trafic, c’est difficile de savoir à quel point tout le monde fait de son mieux. Il faut regarder les secteurs. La Rebellion était proche, très proche selon les secteurs [à Spa]. Après on n’a pas le même règlement donc oui, le règlement est fait de manière à ce qu’elle soit proche de nous. Elle est normalement rapide en lignes droites avec son moteur thermique, plus légère aussi. C’est difficile à dire mais tu vois qu’il pouvait ne pas y avoir une demi-seconde d’écart entre les deux. »
Fernando Alonso et Jenson Button, mais encore d’autres anciens de la F1 comme Juan Pablo Montoya ou Pastor Maldonado, participent à cette édition des 24 Heures du Mans, en LMP1 comme en LMP2. Comment Sébastien Buemi réagit-il à cette nouvelle tendance qui prend de l’ampleur, d’année en année ?
« Je trouve ça cool. Après c’est vrai que je suis un peu surpris. On pourrait penser que les mecs comme Button et Montoya auraient vraiment cherché à être dans une LMP1 hybride. Pas mal de ces pilotes sont en LMP2, et c’est sympathique de voir que ce sont des racers comme ça. Oui, Le Mans attire du monde, c’est quand même une belle course, avec des voitures de plus en plus performantes, LMP1 ou LMP2. Elles sont vraiment rapides. C’est pas des GT [sourire] ! »
« En général, les pilotes qui viennent de la F1 c’est parce qu’ils n’ont pas sous-estimé la difficulté de la chose. De ce que j’ai vu Fernando n’a pas du tout sous-estimé ce qui l’attend, encore mieux ce que j’imaginais. Si ces mecs là sont en F1 c’est qu’il y a une raison derrière. »
Sébastien Buemi s’attend tout de même à être plus rapide que les autres LMP1 – l’autre Toyota exclue – au Mans cette semaine. En quoi cela change-t-il son style de pilotage ?
« Avant c’était quasiment une course sprint. Peut-être moins cette année puisqu’il n’y a pas Porsche ou Audi. »
Le pilote star de l’équipage Toyota sera bien sûr Fernando Alonso. L’Espagnol était encore la semaine dernière avec McLaren à Montréal. S’il avait à comparer le style de pilotage F1 et le style de pilotage WEC, sur quelles différences Buemi – qui a couru aussi la semaine dernière en Formule E - pourrait-il insister ?
« L’état d’esprit est un peu différent parce qu’en F1 le premier virage est très important, tu peux dépasser des mecs, et sinon, pour les rattraper après, c’est difficile. Ici c’est quand même une course de 24 heures, il faut trouver l’équilibre entre prendre des risques… mais il faut garder à l’esprit qu’en 24 heures tout peut arriver. Ce n’est pas facile de trouver un juste milieu. C’est vraiment une course d’équipe, beaucoup plus que ce que tu ressens en Formule E ou en F1. Tout seul, tu peux pas, tu es obligé d’être avec les autres, tout le monde doit être dans un bon état d’esprit. »
Sébastien Buemi comme Fernando Alonso ont donc couru la semaine dernière dans leurs championnats respectifs. N’est-il pas trop éreintant d’enchaîner une course à l’autre ? Ce calendrier surchargé ne peut-il pas être handicapant ?
« Pour moi, pas du tout. T’es là toute la semaine. Tu dors le mieux possible. Franchement, il n’y a pas de problème. Je suis arrivé là dimanche soir, tranquille, t’es là toute la semaine, avec l’adrénaline, le fait que t’es dans la course te booste. Honnêtement j’ai pas de problème avec ça. »
Pour des raisons médiatiques et commerciales, Toyota pourrait être tentée d’avantager Fernando Alonso… Mais Buemi nie formellement qu’un tel plan est prévu au sein de l’écurie japonaise.
« Ce n’est pas du tout le cas. A Spa je rappelle qu’on partait même avec un avantage puisque la 7 avait un tour de retard. Il n’y a pas du tout de voiture favorite. On fait la course, de toute manière c’est une course de 24 heures. Espérons qu’on puisse se suivre tout le long. Mais on sait bien que dans une course de 24 heures, la probabilité qu’il ne se passe rien est petite. »
Pour ce qui est de sa relation avec Fernando Alonso, Sébastien Buemi assure à Nextgen-Auto que la cohabitation se passe du mieux possible et que l’Espagnol s’est parfaitement intégré à l’équipe…
« Tout se passe très bien. Il a été décidé bien avant qu’il rejoindrait l’équipe. Il a fait tous les tests avec nous, il a seulement manqué le prologue. Donc le ressenti est très bon. Il fait vraiment partie de l’équipe. Oui, il court en F1 aussi, mais ça ne pose pas de problème, il est totalement intégré dans l’équipe. »
« Même s’il y a des catégories différentes, il y a juste un peu plus en F1 d’attention sur certains détails. Vous apportez beaucoup plus de détails, de petits changements. C’est assez sympathique d’avoir Fernando, parce que c’est un plus. C’est difficile de juger à quel point c’est un grand avantage, mais c’est quelque chose de positif. »
« Et puis pour Le Mans c’est positif, beaucoup de monde va regarder la course c’est bon pour Toyota, la course, le WEC. »
« Nous voulons tous gagner, c’est pourquoi nous sommes des compétiteurs. Au bout du compte on veut que Toyota gagne, ça doit arriver. Bien sûr je préfère que ce soit ma voiture, mais il faut surtout que ce soit Toyota qui gagne. On sait que tout peut arriver. Personne n’est à l’abri. Même quand Peugeot amène quatre voitures, ils ne savent pas s’ils vont pouvoir aller au bout. L’an dernier, une LMP2 a failli gagner. »