Technique : Interlagos, l’altitude et les moteurs

Quelques défis pour les ingénieurs

Par Franck Drui

23 novembre 2012 - 18:47
Technique : Interlagos, l'altitude

Une semaine après son retour aux USA, la Formule 1 atteint littéralement des sommets au Brésil.

La dernière manche de la saison se déroule à la plus haute altitude de la saison, ce qui n’est pas sans créer quelques problèmes du point de vue des motoristes.

« A Interlagos, nous sommes à 800 mètres au dessus du niveau de la mer. Cette altitude va dégrader les performances des moteurs, dans la mesure où la pression atmosphérique diminue quand on s’élève. Un moteur atmosphérique dispose ainsi de moins d’air. La quantité d’oxygène à mélanger avec le carburant est plus faible et la puissance diminue logiquement », explique David Lamb, l’ingénieur Renault Sport F1 détaché auprès de l’équipe Williams. « C’est une donnée avec laquelle tous les motoristes doivent composer. La perte est d’environ 8 à 10%, c’est donc significatif par rapport à Austin. Le moteur n’avait sans doute jamais été aussi puissant que vendredi dernier, car les températures étaient très froides. Je sais que les pilotes vont nous faire part de cette chute de puissance. »

Interlagos est un circuit qui nécessite de la puissance, avec une longue montée pour terminer le tour. Heureusement, certains éléments permettent de compenser : « Nous avons moins de puissance, c’est un fait. Toutefois les moteurs sont soumis à des contraintes internes moindres que sur les autres circuits, ce qui nous permet de les faire tourner à fond plus longtemps. La pression de combustion est inférieure, donc les pistons et autres pièces mobiles subissent moins de contraintes. »

« Nous allons devoir adapter la cartographie de la pédale accélérateur pour nous assurer que le pilote dispose toujours de la meilleure plage d’utilisation sous son pied droit. Il faut faire un compromis pour conserver la sensation physique au lâcher d’accélérateur, sans perdre la résolution nécessaire. Par exemple, si nous utilisions une cartographie d’Austin – où les pilotes recevaient environ 300 N.m à pleine charge – ils n’auraient pas la même réponse ici. Avec l’accélérateur enfoncé à 80% la semaine dernière, nous appliquions un couple de 270 N.m, soit 10% de moins qu’à pleine charge. Mais cela correspondrait au maximum d’Interlagos. En résumé, utiliser la cartographie d’Austin signifierait que le pilote obtiendrait le couple maximum lorsque l’accélérateur est à 80%. »

Il y a toutefois quelques avantages à l’altitude : la plus évidente est la réduction de la consommation. « Un moteur plus puissant utilise plus d’essence. A l’inverse, le fait que le moteur délivre moins de chevaux engendre une baisse de la quantité de carburant consommée. »

« L’autre avantage provient de la moindre densité de l’air : la trainée aérodynamique est diminuée. Au bout du compte, la vitesse maximum n’est pas trop affectée car la baisse de puissance est compensée par la réduction de la trainée. Cela signifie également que les pilotes ont moins d’appui dans les courbes. C’est pour cela que les monoplaces ont l’air si nerveuses. Nous allons devoir travailler sur la facilité de pilotage. Il faudra chercher à limiter le patinage dans le deuxième secteur, c’est la portion dans laquelle il y a le plus de temps à gagner. »

Comme si la vie des ingénieurs n’allait pas être assez difficile pour ce dernier week-end de la saison, la météo vient s’ajouter aux impondérables : « Les prévisions nous promettent un temps plutôt sec et beau en début de week-end, avec une petite possibilité d’averse pendant les qualifications. Mais la journée de dimanche pourrait être désastreuse avec beaucoup d’eau. »

Comment, dés lors, se préparer au mieux avec de telles incertitudes ?

« Il faut que nous effectuions nos choix avant les qualifications, puisque la voiture est ensuite sous régime de parc fermé. Comme on ne peut plus changer les cartographies, il faut prendre tous ces éléments en compte. En terme de fourniture de couple, il n’y a aucune raison pour que nos moteurs fonctionnent différemment sur le sec ou sous la pluie. A vouloir être trop prudent et choisir une cartographie de pédale douce pour aider le pilote à contrôler le patinage sous la pluie, on peut faire une erreur. Il faut aussi que nous soumettions nos cartographies d’allumage et de couple avant le début du week-end. Or la différence de conditions climatiques entre le samedi et le dimanche sera loin d’être insignifiante. Nous réfléchissons déjà à ce que nous allons déposer et comment cela pourra nous affecter en fonction des conditions de piste. Il y a beaucoup à penser. »

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