Andretti et McLaren : de Senna à Alonso, une histoire partagée qui dure encore

De 1993… à 2018 ?

Par Alexandre C.

19 août 2018 - 10:41
Andretti et McLaren : de Senna à (...)

Michael Andretti a commencé son histoire avec McLaren de manière contrastée. Après avoir outrageusement dominé le championnat CART Outre-Atlantique, le fils de Mario (champion du monde de F1 en 1978) avait été choisi par McLaren pour évoluer aux côtés d’Ayrton Senna en 1993.

Hélas ! Si les attentes étaient élevées, Michael Andretti déçut grandement en F1. Son seul podium – à un tour du vainqueur – fut obtenu en 1993, pour son dernier Grand Prix, en Italie. Pour le reste, jamais au niveau du Brésilien, et même trop nonchalant (il refusait de participer aux essais privés, laissant la place à Mika Hakkinen), Michael Andretti ne réussit jamais à percer en F1.

Il faut dire que la McLaren-Ford de 1993 n’était pas au niveau de ses devancières. Le divorce tardif de McLaren avec Honda, décidé en septembre 1992, et l’alliance hésitante avec Ford – qui était plus proche de Benetton – n’ont pas facilité les débuts du rookie Andretti.

« Ron Dennis a dit qu’il voulait m’engager pour la saison 1993 après ma victoire en CART en 1991, et c’est là que tout a commencé » se rappelle aujourd’hui Andretti.

« Son intérêt remontait probablement à 1990. J’avais testé la McLaren avant même de gagner le championnat CART. Mais à chaque test, quelque chose se passait mal : soit la météo était mauvaise, soit quelque chose ne marchait pas, et je n’ai jamais vraiment pu avoir un vrai test dans la McLaren. »

« C’était une opportunité formidable, j’étais très excité. Mais une fois mon contrat signé, nous avons perdu l’accord moteur que nous avions conclu. Nous étions supposés avoir le moteur Renault, mais l’accord a été rompu. »

En raison de ce changement tardif – qui rappelle celui de McLaren pour Renault l’an dernier – la MP4/8 n’a pu être testée comme il convenait en essais privés. De plus en 1993, le nombre maximum de tours en essais libres et en qualifications était limité… Décidément, rien n’arrangeait les affaires de Michael Andretti.

« Tous les changements de règlement cette année, ainsi que le changement de moteur, m’ont fait du mal, parce que soudainement, nous ne pouvions commencer nos tests que tardivement. J’ai littéralement eu une journée et demie de test à Silverstone avant la première course. C’était le seul vrai test de ma vie dans une F1, juste avant ma première course. Donc c’était vraiment difficile. Tout conspirait contre nous avant même le début de la saison. »

« Lors de notre première course à Kyalami, malgré un problème sur la voiture, je me suis qualifié 9e. Nous pensions que ça semblait prometteur. Mais ensuite, sur la grille, j’ai vu qu’il n’y avait plus d’embrayage donc la voiture n’a juste pas bougé. Et j’ai fini par commencer la course avec un ou deux tours de retard. »

« Au Brésil, je me suis qualifié 5e, ce que je pensais ne pas être trop mauvais – Senna était troisième. Au début de la course, je ne pouvais pas passer les vitesses avec la voiture. Ensuite, puisque j’étais plus lent, j’ai été tamponné par Berger, c’était un gros accident… »

Williams dominait la saison 1993 grâce au moteur Renault et à Alain Prost. Quand l’écurie anglaise n’était pas au rendez-vous, Ayrton Senna, comme au Brésil, montrait que la McLaren était tout de même capable de signer des bons coups.

Mais pendant ce temps, Dame Fortune n’avait toujours pas tapé à la porte de Michael Andretti…

« A Donington je m’étais qualifié 6e, et au warm-up du matin, sous la pluie, Senna et moi étions parmi les plus rapides. Je n’avais jamais eu une voiture aussi bonne sous la pluie – elle se comportait comme sur le sec ! Et c’est là que j’ai commis probablement ma plus grosse erreur de l’année. J’ai pris un bon départ. J’étais 3e et je crois que j’essayais de passer Wendlinger. Mais j’ai été trop gourmand. Il aurait pu me laisser plus de place, mais ce ne fut pas le cas, et la course était finie. »

Pendant que Senna remportait là l’une des plus grandes victoires de sa carrière, sous la pluie, après un premier tour d’anthologie, Andretti restait donc une fois de plus sur le carreau.

« J’aurais pu vraiment courir en restant proche de lui, je pense… c’est ça le pire. Ma voiture était bonne. J’étais bien avec lui, à sa hauteur, au départ. Mais je me suis tiré une balle dans le pied sur cette course. Ma plus grosse erreur de l’année. »

Après être parti en tête-à-queue à Imola, la chance sourit enfin à Andretti à Barcelone.

Senna finit deuxième de la course, entre Alain Prost et Michael Schumacher. 5e, Andretti marqua ses premiers points de l’année.

« C’était sympathique. C’était une course ennuyeuse, j’ai couru dans un no man’s land. J’ai pris un bon départ et j’ai conservé ma position toute la course. »

Au Grand Prix suivant, à Monaco, pendant que Senna dominait, comme à son habitude, en Principauté, Andretti renoua avec sa frustration habituelle.

« Ce fut si décevant ! J’adorais le circuit. En qualifications, vous êtes tout seul à Monaco. Mais quand vous essayez de dépasser quelqu’un… il faut oublier ! Au départ j’ai eu un autre problème. Alors que je chauffais mes pneus, la voiture est passée de la première à la troisième vitesse et… brrr… tout le monde en a profité pour me dépasser. »

« A l’épingle de Loews, j’ai fait l’expérience de quelque chose d’inédit. Le peloton était littéralement arrêté et j’ai tapé quelqu’un, ce qui a cassé mon aileron. Ensuite j’ai passé 50 % de ma course derrière De Cesaris. »

« Lors de cette course j’ai profité de l’arrêt au stand le plus rapide de l’histoire de McLaren – 4 secondes à l’époque. Et il n’y avait pas de limitation de vitesse dans les stands. C’était fou. J’étais derrière De Cesaris. Je suis rentré aux stands. Je suis sorti et en un tour, j’étais de nouveau juste derrière lui. Ensuite je l’ai dépassé au premier virage, et j’ai fini 8e. »

Au Canada, la McLaren d’Andretti refusa de démarrer sur la grille, et l’infortuné Américain dut démarrer trois tours derrière tout le monde.

En France, en dépit de qualifications une fois de plus malchanceuses, Andretti réussit à « dépasser beaucoup de voitures » pour marquer le point de la sixième place.

A Silverstone, un tête-à-queue au premier tour fit replonger Andretti dans ses travers.

« J’avais décidé d’y aller à l’extérieur, au premier virage. Mais il y avait plein de dépôts de gomme à cet endroit ! En IndyCar, ils nettoient le virage… J’avais l’habitude d’avoir une piste propre à l’extérieur, donc c’était décevant. »

A Hockenheim, nouveau Grand Prix, et nouvel abandon pour Andretti : en raison d’une collision avec Berger, alors chez Ferrari, la deuxième McLaren dut une fois de plus abandonner.

« C’était du 50-50 je pense. Mais il ne m’a pas laissé assez d’espace et nous nous sommes touchés. J’étais coincé derrière lui, il était si lent dans sa Ferrari. »

Même si Michael Andretti fut certes en partie malchanceux, McLaren décida de le remplacer après le Grand Prix d’Italie par le pilote d’essais, Mika Hakkinen, qui avait beaucoup de kilomètres dans la MP4/8 au compteur.

Il faut dire qu’Andretti avait décidé de ne pas sacrifier sa vie familiale et de souvent rentrer aux États-Unis, à une époque où les essais privés n’étaient pas si strictement limités. Aujourd’hui, Andretti refuse toujours d’admettre qu’il s’agissait d’un trop grave problème.

« Les gens adoraient dire cela… et Ron aimait en faire une excuse. J’ai passé un ou deux mois aux USA. Je pouvais y être en six heures grâce au Concorde, et je n’y ai jamais perdu mon temps, je restais toujours à l’heure européenne aux USA. Je pouvais arriver à Woking presqu’aussi vite que Senna qui habitait à Monaco. »

Alors qu’il savait que la course de Monza serait sa dernière chez McLaren, Michael Andretti en profita pour signer son meilleur résultat – un podium.

Andretti put alors démontrer à Ron Dennis qu’il n’avait peut-être pas pris une si bonne décision en l’écartant en cours de saison. En trois courses chez McLaren, Mika Hakkinen réussit pourtant lui aussi à signer un podium…

« Mika n’était jamais plus rapide que moi en essais privés. J’étais toujours rapide, je savais que j’étais au niveau d’Ayrton – et ce n’est pas comme si Ayrton roulait lentement en essais. Je savais que j’étais capable d’être sur le podium en bien des occasions. Mais sur beaucoup de Grands Prix, des choses stupides sont arrivées, inexplicables, donc c’était très frustrant, vraiment décevant. Mais c’est la vie. »

Andretti revint aux États-Unis après cette expérience douloureuse… mais il dit tout de même avoir beaucoup appris de cette saison en enfer.

« J’ai beaucoup grandi cette année, j’ai appris une quantité de choses sur les gens. En termes d’expérience personnelle, cette année a fait de moi une meilleure personne, une personne plus forte. Donc j’essaie de ne pas la voir comme une année négative. Cela fait partie de la vie. Tout le monde aura à connaître ce genre d’années. »

Andretti a surtout eu l’opportunité de faire équipe avec un certain pilote brésilien…

« Senna était incroyable. Il savait ce que la McLaren pouvait faire. Mais j’étais toujours en train d’apprendre ses limites. Il y avait tant de choses que l’on pouvait faire avec la voiture, en disséquant chaque virage. J’ai senti que si j’avais pu rester un an de plus en F1, j’aurais pu égaler les meilleurs. »

« Ayrton était incroyable, nous sommes devenus de très bons amis. Tout le monde savait que c’était un gars spécial. Pour vous dire quel genre de gars il était… avant le Portugal, il avait dit dans une conférence de presse à quel point il trouvait que j’étais traité injustement. Et il a dit que j’étais l’un des meilleurs coéquipiers de sa carrière. »

« Il était vraiment derrière moi. Il voyait ce qui arrivait. Il savait à quel point je pouvais être rapide en essais, donc il savait ce qu’il se passait. C’était sympathique de sa part de le faire. »

« Il a été le premier à m’appeler quand j’ai gagné la course d’IndyCar en Australie, en 1994, il était resté toute la nuit la regarder au Brésil. Si cette tragédie n’était pas arrivée, nous aurions été très proches. »

24 années après cette expérience malheureuse avec McLaren, Michael Andretti et l’écurie de Woking se sont nouveau retrouvés. En IndyCar, pour faire rouler Fernando Alonso, Andretti, McLaren et Honda ont fait alliance à cette occasion.

Même si l’Espagnol dut abandonner sur problème moteur, sur un plan personnel, Andretti sentit passer un cap dans son histoire particulière avec McLaren.

« Je ne peux croire la différence que cela fait depuis que Zak Brown a pris les commandes… c’est vraiment rafraîchissant. »

« L’an dernier, c’était juste un programme formidable. Les deux parties en ont beaucoup profité, c’était très amusant des deux côtés. Et nous avons beaucoup appris. C’était une expérience positive au final. »

« Elle n’aurait pu mieux se passer… ah si, Fernando aurait pu gagner ! Mais jusqu’à cet abandon, c’était la meilleure expérience du monde. »

Le fait que McLaren et Andretti soient désormais en si bons termes n’est pas innocent : Fernando Alonso pourrait être tenté de s’engager à plein temps dans l’équipe Andretti en IndyCar, afin de glaner la légendaire Triple Couronne.

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