Romain Grosjean vu par Eric Boullier
Le patron de Lotus analyse son pilote
Après avoir prolongé Romain Grosjean pour la saison 2013 en dépit d’une saison 2012 qui avait vu le pilote être très rapide mais se montrer régulièrement brouillon, Eric Boullier avait toutefois prévenu que si le Français ne faisait pas preuve de plus de maturité sur l’exercice en cours, il ne bénéficierait plus des grâces de son employeur.
Malheureusement, le moindre incident impliquant Grosjean amènent très vite les observateurs, plus ou moins avertis, à condamner d’office ce dernier sous prétexte de sa saison dernière. Ce fut encore le cas ce dimanche après le contact entre lui et Mark Webber au départ du Grand Prix d’Angleterre, alors que le choc ne pouvait de toute façon pas être évité.
Se montrant toutefois plus confiant en piste que l’année dernière, le coéquipier de Raikkonen semble avoir perdu en vitesse en comparaison au Finlandais. L’accumulation de gestes limites l’an dernier et les performances un peu ternes de cette saison laissent planer la question de la viabilité de Grosjean au volant de la Lotus, et certains n’hésitent pas à envisager un éventuel conflit d’intérêts pour Eric Boullier, directeur de Lotus et décrit comme manager de Grosjean.
« Les gens n’arrêtent pas de dire ça mais je ne suis pas son manager. Je gère la compagnie au nom de Genii qui cherche et forme ses pilotes. C’est important de clarifier ça ». Cependant, Boullier persiste avec Grosjean car il est persuadé que les erreurs de jeunesse du français ont caché un réel potentiel.
« Ma seule raison d’essayer encore au moins jusqu’à ce que je sois sûr qu’on n’a pas tout tenté est que Romain est un pilote rare. J’ai travaillé dans les catégories inférieures, du plus bas niveau jusqu’au GP2 et j’ai rarement rencontré un pilote aussi rapide. Les médias n’arrêtent pas de me demander pourquoi je le soutiens, mais tout le monde dans le paddock sait à quel point il est talentueux et à quel point un pilote comme lui est rare ».
« S’il peut exploiter son potentiel, ce sera parfait sportivement pour nous » continue Boullier. « Nous aurons quelqu’un d’extraordinaire capable de gagner des courses et des championnats pour nous. S’il ne peut pas, il ne peut pas, mais nous devons essayer ».
Boullier semble donc tenter un pari avec Grosjean, et reconnaît même avoir dû se ranger derrière l’avis de tous les observateurs à Monaco, mais pense quand même que la saison de Grosjean est faite de hauts en dépit de quelques bas.
« Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, il s’est quand même débarrassé de ses problèmes de l’an dernier, ce qui est positif. La conséquence est qu’il a été trop prudent sur les premières manches. Mais à Bahrein c’est comme si un interrupteur avait été allumé » analyse Boullier. « Barcelone fut décevant car ce n’était pas de son fait, il a eu un souci de suspension. Sans cela, il aurait été sur le podium, et être dans le sillage de Kimi n’est pas mauvais, c’est ce qu’on attend de lui. Monaco a clairement été catastrophique, et en qualifications au Canada, il a été coincé par les drapeaux jaunes et la pluie, ce qui a gâché son week-end ».
« Il s’est clairement amélioré depuis l’an dernier. Quand vous êtes blessé, c’est dur de s’en remettre mais c’est à ça qu’on reconnait un champion » poursuit le patron de Lotus, en référence à la suspension d’une course infligée à Grosjean suite à son strike au départ du Grand Prix de Belgique. « Romain m’a impressionné par la façon dont il a mis l’année difficile derrière lui, mais il doit avancer encore et prendre conscience qu’il peut gagner des courses et des championnats. Son état d’esprit changera à ce moment ».
Grosjean a dû attendre la manche anglaise pour battre Raikkonen en qualifications cette année, montrant qu’il était un cran en dessous du Finlandais en termes de performances. Il semblerait donc qu’il ait du mal à associer rapidité et solidité, ayant du mal à augmenter son niveau de vitesse sans commettre quelques erreurs. Doit-on en conclure qu’il doit piloter à la limite pour être rapide ?
« Non je ne pense pas, la F1 est très exigeante et réussir demande une implication totale. Vous ne pouvez pas vous permettre de perturbations venant de l’extérieur, que ce soient la vie privée, les amis ou les médias. C’est là que Romain doit progresser ».
A force de devoir se remettre en question, le pilote en serait-il arrivé à trop réfléchir ? Son début de saison délicat et ses difficultés à trouver des réglages corrects sur sa nouvelle E21 pourraient-ils venir d’un manque de confiance amenant à manquer de clarté auprès des ingénieurs ?
« Quand vous voulez réussir quelque chose à tout prix, vous vous concentrez sur l’essentiel. Il prenait peut-être trop la chose dans son ensemble et voulait se concentrer sur beaucoup de points. Il devrait faire comme son équipier et se concentrer sur l’essentiel de son travail, et le reste suivrait. Vous devez contrôler votre destin, il faut se concentrer quitte à mettre des œillères ».
Une chose est sûre, 2013 devra être pour Grosjean l’année ou il montre qu’il peut exploiter sereinement tout son potentiel et allier vitesse et solidité en piste. Sans quoi il ne serait pas étonnant de le voir remercié à la fin de l’année.
« Il y a peu de pilotes comme lui, il est un diamant rare que nous devons réussir à polir. Nous ne le soutiendrons pas des années encore s’il ne réussit pas. Il a besoin d’y arriver mais la plupart des problèmes viennent de son esprit. Il a besoin de faire face et acquérir la confiance et la maturité nécessaires à un champion » annonce Boullier.
« Il a gagné des championnats dans toutes les catégories où il a couru, il sait comment faire. Peut-être qu’il est plus talentueux que les autres, et même au niveau de la F1 il a le talent pour être champion. Il doit exploiter ce talent et oublier ses peurs ». Une chose est sûre, si Grosjean a montré avoir le talent pur pour être parmi les meilleurs, il doit prouver rapidement qu’il en fait partie constamment.