Bernd Mayländer, le pilote de la voiture de sécurité

Un rôle clef et une tâche complexe

Par Franck Drui

25 septembre 2016 - 11:10
Bernd Mayländer, le pilote de la (...)

Il est pilote, il est présent lors de chaque Grand Prix, et il lui arrive même très souvent de rouler pendant la course. Contrairement aux 22 pilotes de Formule 1, Bernd Mayländer est presque un anonyme. Pourtant, cet homme de 45 ans a célébré son 300e Grand Prix dimanche dernier à Singapour… en tant que pilote de la voiture de sécurité.

Mayländer n´imaginait pas remplir ce rôle un jour et encore moins aussi longtemps. Sa vie a changé depuis 1999.

« J´ai eu la chance de rouler en Porsche Supercup lors du Grand Prix de Saint Marin » relate l´Allemand à Auto Motor und Sport. « Le jeudi après-midi, on me dit que je dois me rendre à la direction de course, voir Charlie Whiting et Herbie Blash. Je pensais alors que j´avais fait quelque chose de mal. Ils m´ont demandé si j´avais envie de piloter la voiture de sécurité en Formule 3000. Le pilote titulaire pour cette tâche, Oliver Gavin, ne pouvait pas, parce qu´il roulait lui-même dans cette discipline. »

« Je n´ai pas eu besoin de réfléchir bien longtemps : pour moi, c´était une chose géniale d´avoir un contact avec la FIA. Et puis, je connaissais bien la voiture utilisée : à l´époque, c´était une Mercedes CLK 55. »

« Je me suis adapté à ce travail pendant un an. Pendant la saison, Charlie m´a demandé si je pouvais aussi m´imaginer faire la même chose pour la Formule 1. J´ai dit oui tout de suite. »

Le pilote n´est pas seul à bord de sa Mercedes AMG GTS, et chacun a son propre rôle à remplir.

« 4 yeux voient plus de choses que 2. En tant que chauffeur, je suis principalement concentré sur le pilotage. Mon coéquipier s´occupe du signal lumineux de la voiture, il recueille toutes les informations qui arrivent par la radio et m´en fait part. Je les entends également, mais parfois, tu es trop occupé à rouler. Par exemple pendant un accident. Je dois aussi décider quelle ligne je dois emprunter sur les lieux. »

Le rôle de Mayländer est réglé comme une horloge, avec un protocole aux multiples étapes.

« Nous suivons la course sur deux moniteurs, donc nous savons à peu près ce qui nous attend. Quand une intervention s´annonce, j´entends de la bouche de Herbie Safety-Car stand-by´. J´enclenche alors la première vitesse, mon coéquipier allume le gyrophare. Après, il y a deux possibilités : avecSafety-Car deploy´, on y va, avec `Safety-Car stand down´, c´était une fausse alerte. Dans ce cas, soit la situation s´est arrangée d´elle-même, soit la voiture de sécurité virtuelle suffit. »

« Si on doit y aller, j´attends la première voiture. C´est parfois confus, quand certains rentrent aux stands et d´autres non. On nous prévient par radio et on le voit aussi sur l´écran. Lors d´un gros accident, nous gardons d´abord toutes les voitures derrière nous. La sécurité est primordiale. J´apprends immédiatement par radio l´importance de l´accident. Si la force de décélération est supérieure à 20 G, la voiture médicale est obligatoirement déployée sur la piste. Dans ce cas, je la laisse me dépasser et j´assure sa sécurité à l´arrière. »

L´Allemand souligne à quel point il y a un monde entre les capacités de sa voiture et celles des Formule 1.

« En règle générale, je roule entre 95 et 98 % de la vitesse maximale que la voiture peut atteindre. À la télévision, cela semble terriblement lent par rapport aux monoplaces de F1. Et ça l´est : je perds 10 secondes par kilomètre par rapport à elles. Par exemple dans l´Eau Rouge : à la sortie de cette section, je suis à environ 185 km/h alors qu´une Formule 1 est à 300 km/h. Il ne faut pas oublier, que notre Mercedes AMG GTS est une voiture de sport urbaine, avec 510 chevaux et qu´elle est équipée de pneus de ville : ce n´est pas une voiture de course chaussée de slicks. »

Le travail de l´Allemand est loin d´être de tout repos : chaque course est un cas de figure différent qui demande toute sa vigilance.

« Je regarde toujours dans le rétroviseur, pour vérifier si le meneur de la course est bien derrière moi et voir si le peloton est resserré ou non. Lors de mon premier tour je me concentre sur le lieu de l´accident et sur les débris pour trouver le meilleur chemin. Quand il pleut, je dois regarder où il peut y avoir de l´aquaplaning. Contrairement aux pilotes qui sont derrière moi, je n´ai l´occasion pour apprendre où est l´eau et où il y a de l´adhérence qu´à ce moment-là. Au début, tu dois commencer complètement à l´aveugle. »

« À la fin de notre intervention, mon coéquipier informe la direction de la course, comment sont les conditions sur la piste. Quand il pleut ce n´est pas si évident. Plus il pleut, plus j´ai d´avantage par rapport aux Formule 1. Nous devons évaluer ce qui est tolérable pour ces voitures. »

« La direction de la course écoute aussi les pilotes et a de cette façon une vue d´ensemble complète. Si tout est sûr, Charlie nous fait tourner la plupart du temps un tour supplémentaire. Herbie me dit alors quand je dois rentrer. Je dois vraiment y aller plein pot, afin que les gars ne me rattrapent pas. »

« Je me suis maintenant habitué au déroulement des choses, mais la tension est toujours la même qu´il y a 16 ans. Le pouls va de plus en plus vite quand je me trouve en position pour éventuellement intervenir et que les gars finissent le tour de formation. La raison est simple : malgré le fait d´avoir une routine, il peut toujours arriver quelque chose que tu n´as pas encore vécu. Tu ne peux pas planifier.´ »

Depuis deux ans, il existe la voiture de sécurité virtuelle. Mayländer voit-il cette démarche d´un mauvais œil ?

« Non, je trouve que c´est une solution positive. Dans les cas de petits incidents, tu peux réagir beaucoup plus vite. L´appel de la vraie voiture de sécurité signifie qu´il y a toujours au moins 2 tours perdus. »

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