Abiteboul : pourquoi y a-t-il moins de passion dans le paddock ?

Le calendrier en question

Par Alexandre C.

28 octobre 2016 - 15:30
Abiteboul : pourquoi y a-t-il moins de

Dans une longue interview à Road & Track, Cyril Abiteboul, directeur général de Renault Sport Racing, est longuement revenu sur la situation actuelle de la Formule 1 comme de l’écurie tricolore.

Cyril Abiteboul a derrière lui une longue carrière en F1. Ancien directeur de Caterham, aujourd’hui revenu chez Renault, l’ingénieur tricolore a vu son sport évoluer. Qu’est-ce qui lui a plus plu dans ces changements ?

« Nous sommes devenus un sport vraiment mondial. Quand j’ai commencé, je pense qu’il y avait 16 courses en une saison. Et je pense que 12 de ces 16 courses se tenaient en Europe. L’équilibre a complètement changé : il y a 21 courses maintenant, dont moins de 10 en Europe. Donc c’est bien d’un côté, mais j’aimerais signaler un argument contraire : quand j’ai commencé, chaque course était un grand événement pour le pays, pour la ville. Avec 21 courses, je pense que c’est devenu un peu moins unique. »

Cela vaut aussi pour les mécaniciens et ingénieurs en F1… «  Si vous parlez aux gens dans le paddock - et peut-être que je ne devrais pas dire cela mais c’est un sujet intéressant… Je ne vois pas la même excitation de la part des gens qui voyagent à toutes les courses, parce que 21 courses, c’est beaucoup. Cela vous prend beaucoup de temps, notamment au détriment de votre famille. Quand nous avions 15 courses, tout le monde était super emballé, chaque course était vraiment une fête. Et je pense que des chanceux comme nous, qui travaillons dans le sport… si nous ne ressentons pas que c’est super excitant d’aller sur une course, je ne vois pas comment nous pourrions transmettre cette excitation au public extérieur. »

Il y a moins de passion, et de plus en plus d’intérêts financiers en F1, ce qui expliquerait aussi une certaine banalisation du plaisir. «  Chaque sport doit devenir un business, mais je pense que dans notre cas, voyager tout autour du monde, multiplier les décalages horaires, si vous y pensez… nous sommes le seul sport qui fasse cela. La NBA ? Bien sûr, ils jouent une nuit sur deux, mais ils restent plus ou moins sur le même continent. Les Jeux Olympiques, c’est quelque chose d’énorme, mais c’est tous les 4 ans. Donc nous sommes le seul sport qui induit autant d’efforts, d’un point de vue technique, commercial, humain, tout autour du monde. Il y a aussi les essais, l’hiver… et ainsi de suite. »

Alors, pourquoi Cyril Abiteboul continue-t-il son aventure en F1 ? « Ce qui est impressionnant en F1, c’est la vitesse à laquelle les choses changent. Prenez notre exemple. Il y a un an, nous n’étions nulle part. » Renault était alors en négociations pour racheter une équipe Lotus en pleine déliquescence et avait du retard sur la concurrence…

« Nos moteurs explosaient, course après course. Red Bull était vraiment mécontente, et voulait rompre son contrat, illégalement. Nous n’étions pas sûrs de revenir comme écurie, et nous aurions aussi pu quitter le sport pour toujours. Et vous voyez, un an plus tard, Red Bull se bat presque avec Mercedes, ils sont devant Ferrari. Et nous sommes de retour en tant qu’équipe. »

« Bien sûr, nos performances ne sont pas si bonnes, mais nous sommes de retour, nous avons un engagement à long terme, donc en un an, les choses ont totalement changé. Je vous donnerai un autre exemple : Sebastian Vettel. Je me rappelle avoir discuté avec lui, pour parler de l’évolution du moteur Renault. C’était avant qu’il parte chez Ferrari. Il n’était pas convaincu, il nous avait vus en difficulté pendant deux ans, avec le nouveau règlement moteur, et il est parti chez Ferrari. »

« L’an dernier, tout le monde pensait qu’il était un génie en ayant fait cela. Mais voyez cette année. Tout le monde se demande : où est Ferrari, qu’arrive-t-il à Sebastian ? Donc d’une année à l’autre, les choses changent complètement. C’est ce qui est amusant, à un certain degré, c’est presque une leçon de vie. Les décisions peuvent sembler vraiment bonnes. Le lendemain… elles peuvent sembler totalement différentes. »

Et Cyril Abiteboul de conclure : « Je pense que c’est ce qui nous fait rester, nous, les pilotes, les directeurs d’équipe, les ingénieurs. La F1, c’est un lieu où les choses changent, se développent. C’est comme un soap opera. »

Recherche

Info Formule 1

Photos

Vidéos